Une écriture resplendissante et pleine de savoir comme l'auteur français du XIX ème siècle nous a toujours habitués. Un puits sans fond de termes et de détails, de descriptions et d'analyses environnementales et psychologiques qui donne le vertige, le genre d'écrivain qu'il faut suivre avec l'attention d'un agent de douane et la patience d'un détective.  


Henri de Marsay est un flâneur parisien qui se retrouve à fondre sous le charme unique de Paquita Valdès, la fameuse fille aux yeux d'or, belle comme un jardin d'eden. Dès lors le protagoniste masculin, aux traits si gracieux qu'il est comparé à une femme, se met à la conquête de cette créature angélique qu'il veut posséder sans compromis aucun. 


Balzac illustre magistralement le jeu des passions et l'ambivalence des cœurs et des pulsions. Ses travaux sont d'ordres chirurgicaux et ceux-ci, en plus de nous plonger dans une autre époque, nous poussent dans un monde souterrain, inconnu, que seul un travailleur maladif de sa trempe avait la possibilité de capter. À nous lecteurs de suivre la cadence de cette exposition en recueillant le savoir que regorge le moindre de ses écrits. 


Dans celui-ci nous avons droit à une représentation des classes parisiennes séparées en cinq catégories et c'est angoissant de voir que tout un système paraît comme structuré sous les impulsions des idées en mouvement perpétuel. L'or et le plaisir comme nous le rappelle l'auteur de La Comédie humaine sont les deux mots qui expliquent le but que se sont fixé, à leur manière, presque chaque individu du Paris insatiable qui ne dort ni ne somnole jamais. Paul de Manerville qui est plus ou moins l'ami d'Henri constate de sa place de spectateur le manège dans lequel s'est lancé son partenaire de sortie. Sans que celui-ci ne serve à grand-chose par la suite car privé de la confiance de M. de Marsay, qui préfère jouer le modeste, user de discrétions en taisant chaque mot en lien avec l'avancée de son intrigue amoureuse que la capitale, peu, à tout instant, corrompre par le crachat méprisant et vulgaire de ses habitant venimeux comme la vipère du Gabon. Le principal protagoniste préfère donc s'isoler dans son combat cupidonesque quitte à se perdre lui-même.
La prison dorée dans laquelle vit Mademoiselle Valdès est un enfer déguisé, c'est une souris sous le contrôle despotique du scientifique transposé en la figure de la riche marquise de San Réal qui s'avère être la maîtresse de la fille tant convoitée. 


Un audacieux tour littéraire dans lequel s'est lancé Honoré de Balzac. De son vivant il était extrêmement rare en effet de mentionner, dans une oeuvre, l'amour de deux personnes du même sexe. Avec ses descriptions et la nature de ses phrases, cette histoire frôle l'érotisme mais s'inscrit clairement dans un genre sensuel dosé mais suffisamment affirmé pour que les mœurs de mille-huit cent trente cinq ait pu être secoué sous le choc de ce qui était sans doute considéré comme impensable et choquant.
Ce récit est l'illustration d'une société qui, en plus de n'avoir pas changé, se justifie sous le prisme de l'argent qui achète tout, même une femme. Toute valeur est supprimée au profit d'un train à picaille dans lequel le monde entier semble vouloir grimper. Gare à celui ou celle qui manque l'heure du prochain embarquement ou marque le refus de monter dans l'une des voitures... 
Toute l'œuvre de l'éminent littérateur français tend à nous dire que ce sont les sous qui gagneront toujours. La valeur d'une âme humaine vaut-elle donc moins qu'une pièce de monnaie ? Le cours de la bourse est-elle plus important qu'un cri d'amour, un sourire, une main tendue ? 


C'est cette question entre autres qu'il ne faut jamais évincer de notre mémoire. Par la littérature, et par l'art tout court, il est possible de s'informer. Mais à nous individus de défendre la juste raison, d'éclairer au mieux morales et consciences. 


La tristesse est de mise quand on voit que presque deux siècles après, les mentalités ne sont pas aussi différentes. Certes la condition féminine est de plus en plus défendue et c'est un très bon point. Mais tant de choses restent à faire.


La soif de richesse matérielle engraisse la cupidité qui très vite retourne les têtes comme nous l'expose des films comme "Wall Street" ou "The Hanging Tree". Mais pour conclure sur le présent livre, je dirais qu'il résume la confrontation entre le matérialisme et la raison. Et dans toute la fresque sociale balzacienne de toute manière, ce sont les ambitions et les intérêts qui prennent place lors de dénouements heureux ou tragiques, plaisants comme funeste.

Tarek437
8
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le 9 mars 2022

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