Publié sur L'Homme qui lit :
C’est un peu le thriller du moment, soutenu par un marketing très actif et une presse globalement emballée, La fille d’avant se veut « thriller psychologique haletant » dans une ambiance minimaliste. Publié il y a quelques mois aux États-Unis, ses droits ont été vendus dans 35 pays et le réalisateur Ron Howard – qui a dirigé les adaptations des romans de Dan Brown au cinéma – a déjà acheté les droits du livre pour un passage sur grand écran. Un immense jackpot pour l’auteur et publicitaire britannique Tony Strong, qui publie régulièrement sous différents pseudonymes, comme celui d’Anthony Capella, au point que je ne sois pas tout à fait certain de savoir lequel des deux est son nom réel.
Le récit est construit autour de deux occupantes d’une même maison, Emma, qui n’y vit plus puisqu’on apprend rapidement qu’elle est morte, et Jane, qui en est l’actuelle locataire, et qui tâche justement de découvrir ce qui est arrivé à Emma. Le point commun qui réunit ces deux femmes, c’est Edward Monkford, un énigmatique architecte devenu adepte du minimalisme après que sa femme et son fils ne trouvent la mort sur le chantier de cette intrigante maison du One Folgate Street.
Monkford est un propriétaire atypique, qui choisit ses locataires à l’aide d’un questionnaire intimiste aussi surprenant que dérangeant. Si les agences de location ne savent pas vraiment quels sont les critères de choix de l’architecte, qui propose un entretien en dernier lieu aux candidats sélectionnés, on comprend relativement vite qu’il choisit surtout des femmes ressemblant énormément à son épouse décédée, et victimes d’un drame personnel. Emma, a par exemple été violée lors du cambriolage de son précédent appartement, tandis que Jane a dû mettre au monde un enfant mort-né.
Si les deux femmes ont partagé à des époques différentes ce même amant, elles ont surtout réussi à vivre dans une maison exigeante, au règlement drastique, interdisant par exemple d’avoir des livres. Inspiré de la méthode KonMari, qui vise à se débarrasser du superflu en vivant entouré de vide (à ce propos, le même éditeur propose un essai antagoniste, « De la joie d’être bordélique » de Jennifer McCartney), le One Folgate Street est une demeure épurée et bardée de technologie, dans laquelle la vie privée n’existe pas, puisque tout se commande à l’aide de HouseKeeper, une application intrusive placée sur son téléphone qui commande l’ouverture des portes, l’intensité de la lumière selon son humeur, la température de l’eau sous la douche, mais surveille également les recherches faites sur internet.
C’est une sorte de remake de Cinquante nuances de Grey en version thriller-déco que propose l’auteur avec La fille d’avant, une histoire aux ingrédients savamment dosés, de l’archi dominateur aux morts pas franchement expliquées, en passant par une palette de second rôles qui tous pourraient jouer un double jeu. Pour autant, le roman souffre d’un style un peu attendu, comme s’il avait été écrit pour être vendu au cinéma, et le dénouement, un peu tiré par les cheveux, m’a laissé sur ma faim. Pas de coup de cœur, donc.