C'est assez étonnant de dire ça pour commencer une critique, mais je ne pense pas que ce livre mérite une telle note. En effet, il est rempli de défauts qui deviendront plus ou moins la marque de fabrique de la face sombre de Pierre Bottero. Malgré tous ces défauts il n'en reste pas moins un de mes livres préférés, et ceci de manière absolue.
Je pense donc commencer mon analyse par la vision globale de ce livre, j'embraillerais ensuite sur les défauts avant de terminer par la raison pour laquelle ce livre me plait tant.

Faire une suite à la Quête n'était pas des plus facile mais s'imposait à Bottero après la fin qu'il avait offert au lecteur au terme de L'Île du Destin. En effet, il offrait un futur à chacun de ces personnages, mais maintenant, comment choisir, comment montrer ce futur ? Il a donc pris le parti de montrer ce qui se passe 6 mois plus tard, quand Ewilan et Salim reviennent dans notre monde et sur quelles horreurs les deux adolescents sont confrontés.
C'est déjà un choix très intéressant, pas forcément le meilleur mais pas forcément non plus mauvais, que de passer directement à ce retour dans le monde. On ne mentionne que rapidement ce qui s'est passé en 6 mois et on comprend rapidement ce que font chacun des personnages même si chaque explication ne dure que deux lignes. A titre personnel, je pense que Bottero a eu raison, plutôt que de nous montrer l'évolution petit à petit, de faire dans le descriptif pur et dur qui aurait tant plus au fan, il a préféré faire une histoire, une trame, des problèmes, etc ...
La seule certitude de Pierre Bottero devait être qu'il fallait se baser sur l'idée d'explorer d'avantage l'Autre Monde (des terres à l'est) et développer le personnage d'Eléa Ril'Morienval, ou du moins, de le retrouver. Incarnation même du mal pour Ewilan, son ennemi personnel.
Le scénario nous ramène donc dans notre monde. Il nous offre la possibilité d'un nouveau regard, d'un nouveau point de vue, étrangement plus dur que celui de la Quête où pourtant le monde était en guerre. Ici, nous voyons la folie des hommes, la haine et ce que cela fait naître. Bottero garde cependant espoirs montrant comment des hommes très différents, des politiciens, des journalistes, des bergers, peuvent avoir en eux l'amour de l'humanité et une envie de donner la paix à toute la Terre.
Je me retiendrai d'en dire plus, afin d'éviter les spoilers.

Parlons maintenant des défauts. En terme d'écriture, l'on voit ici un style qui se développe mais qui n'a pas atteins encore la redondance qu'aura les prochains tomes. Je pense notamment au fait de répéter la même phrase en boucle plusieurs fois avec un léger changement sur la dernière répétition. Ou l'énumération de différentes qualités avec un retour à la ligne à chaque fois. Ces techniques sont très énervantes quand on en abuse, mais heureusement, ce n'est pas (encore) le cas dans La Forêt des Captifs. Je sais, je commence les défauts en mentionnant une qualité, mais quand on a déjà lu l'ensemble d'Ewilan, on flippe un peu de voir ce moment arrivé.
Un gros défaut, qui choque tout de suite, c'est les personnages. Bottero use principalement d'Ewilan et Salim. Cette grande présence du duo de héros est à la fois une force du récit mais aussi une faiblesse. Cependant, ils ne sont pas seuls, Pierre Bottero dépeint Bruno Vignol, un politicien qui a un énorme réseau de connaissance mais aussi du coeur, Maximilien, un ermite qui garde cependant une âme de rêveur en lui, Bernard Boulanger, journaliste courageux et père adoptif d'Akiro (donc oncle adoptif d'Ewilan). On peut remarquer que Bernard n'avait jamais été vu jusque là, c'est donc sa première apparition. Ce trio d'hommes normaux permet de mettre en lumière que tout n'est pas sombre dans notre monde, c'est donc une grande qualité, tout en laissant la féérie à notre petit couple.
Vous me direz "tu parlé de défauts et tu mentionne une qualité" ... En réalité je me devais de souligner ça pour mettre en avant l'absence totale de nombres de personnages. Akira, Altan et Elicia, la famille d'Ewilan ainsi que Bjorn, le chevalier romantique, sont partis explorés l'est, après l'océan. Certes, c'est une manière de préparer le terrain pour le tome 3 (même pas le tome 2, c'est dire l'éloignement) mais bordel, ça fait un poil chié quand même ! Altan et Elicia qui venaient d'apparaître dans le tome 3 disparaissent avant même d'avoir pu effacer l'aura de naïveté qu'ils avaient. Bjorn, qui était avec Salim le moteur comique disparait totalement également au grand regret du lecteur.
Ne parlons pas d'Artis Valpierre ou Chiam Vite, qui n'avaient été que de passage dans le second tome de la première trilogie. On ne les mentionne même pas. Mais je vous rassure, Edwin, Duom, Ellana et Siam ont beau être présents, ils en prennent pour leur grade ! En effet, nous n'avons que du fan service au possible. En gros on ne retiendra que deux choses : ils sont beaux et forts ! C'est tout. Ils apparaissent à la moitié du récit et ne se basent que sur ces deux adjectifs. Non pas que Bottero les connaissent mal, mais afin de laisser plus de place au trio des normaux et au couple amoureux, il fallait diminuer ces personnages. Quitte à les rendre stéréotypés. Quel dommage ! Le fan-boy appréciera peut être de les retrouver en mode "demi-dieu", le lecteur un poil exigeant regrettera ce traitement.
Pour Maniel, je passerais rapidement en disant que si il n'apparait que de manière brève, son personnage est des plus passionnant. Grande révélation de ce tome.
Un autre énorme défaut du livre est l'absence des petites notes de débuts de chapitres. Présents depuis le second tome de La Quête, ils avaient permis de faire rentrer le lecteur dans l'univers fantastique de Gwendalavir. Est ce le passage dans le monde réel qui enlève cette notion ? Je trouve ça dommage, surtout qu'ils reviennent dès le tome suivant. La seule explication m'apparait comme celle que je viens d'apporter, je la trouve cependant des plus insuffisantes.
En plus de la gestion un poil mauvaise des personnages ainsi que de l'absence de note et le style qui sans être trop énervant peut commencer à avoir des faiblesses, le scénario souffre également de quelques ralentissements, d'illogisme portés par Ewilan qui n'en fait qu'à sa tête (malgré son traumatisme). Mais en plus, et c'est là le gros défaut, on commence à voir apparaître le total WTF ! En effet, l'idée de départ était que seul Edwin était le guerrier ultime. Maniel arrive à devenir encore plus fort que le maître d'arme grâce à de la magie, mais pour leurs parts Ellana et Siam n'usent d'aucun artifices et pourtant ...
La puissance d'Ellana est globalement bien dosée encore, même si c'est un poil too much. Par contre cette de Siam ... Elle fait passer son frère (qui doit avoir 10 ans de plus tout de même) pour son égal, voir quelqu'un de moins bon vu la différence d'âge. Les Ts'Liches sont très nombreux à se faire occire, tellement qu'on oublie qu'ils sont censés être la race ultime ... Un gros dégout pour moi. Siam se doit d'être forte certes, mais là, elle dépasse même Ellana, qui était censée être une super-combattante mais garder des faiblesses afin de montrer que seul Edwin était vraiment "parfait". Enorme regret donc ! Très mauvaise gestion des pouvoirs sans parler d'Ewilan qui réalise un exploit (un de plus) faisant ce que nul humain n'a jamais fait, mais en 4 fois et dans un espace où elle ne pouvait dessiner (et après un traumatisme qui a bloqué ses pouvoirs) ... Donc bon, là encore, même si le but est noble (ramener le reste de la troupe), la manière de faire est très moyenne, on pouvait s'attendre à plus de cohérence.

Mais alors, malgré tous ses défauts qui rendent le tome bien moins réussi que les précédents, pourquoi lui ais-je mis une aussi haute note ? Pourquoi s'agit il d'un de mes livre préférés dans l'ensemble de la littérature ?
Parce qu'après 3 tomes qui nous ont permis de nous attacher à Salim et Ewilan, Pierre Bottero nous montre la cruauté, l'horreur, la haine. Il remplace nos yeux par ceux de Salim et essaie de nous faire comprendre comment il peut réagir quand il voit celle qu'il aime être mutilé, maltraité, rabaissé au même stade qu'un objet. Ewilan devient un objet, rien de plus, elle souffre le martyre et Salim, l'amoureux, fera tout pour la sauver, l'aider, parvenir à la ramener au monde, la soigner, physiquement et psychiquement. Des moments très intenses émotionnellement mais aussi très purs.
Un livre doit toucher, Bottero y arrive là. J'ai été ému de voir cet amour, de voir cette souffrance, de voir comment ce n'est même plus de la détermination que de sauver l'être aimé, mais bien de l'instinct.
Ca m'a tellement touché, tellement ému, que je ne pouvais décemment pas mettre moins de 8.
J'espère que tout lecteur sera aussi ému que je l'ai été.
Car ainsi, ce tome devient une réussite.
mavhoc
9
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le 4 juil. 2013

Critique lue 951 fois

8 j'aime

mavhoc

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