J'ai bien cru que j'allais devoir mettre une note de 3 à ce livre, pratiquement jusqu'au bout!
Je l'ai trouvé très poussif jusqu'à 200 pages avant la fin. Oui, c'est long. Au début notre curiosité est piquée : qui sont ces gens? où vont-ils? pourquoi? quels dangers les attendent? Eh bien on reste dans cet état pendant de longs chapitres. Mis à part Golgoth, personnage haut en couleur et doté de son propre caractère, et dans une moindre mesure Caracole ou Erg, tous les personnages de la horde sont fades, interchangeables et n'ont ni psychologie propre ni motivations propres. De véritables PNJ. Pour ce qui est de l'univers dans lequel ils évoluent, pareil. Ni les Fréoles ni les tourangeaux et leurs racleurs, ni les autres personnages rencontrés ci et là dans les villages n'ont de consistance. Bon, c'est peut-être pour appuyer l'aridité du monde décrit et pour qu'on se recentre sur nos héros... Mais vu que nos héros sont creux aussi, on ne sait pas bien à quoi s'intéresser.


Bon le début avec les Fréoles m'a plutôt plu, ça nous permet de définir un peu la bande de la horde en les opposant à ce qui se fait ailleurs, c'est pas idiot. Et la brève histoire entre Sov (je crois que c'est lui mais je ne sais même plus, tellement il ressemble à tous ses compagnons...) et Nouchka permet aussi de nous rendre compte des sacrifices qu'ils s'infligent. En plus ça coïncide avec l'attaque du corroyeur, qui pique lui aussi notre curiosité, j'y reviendrai.


La quête de la horde, alors? Après tout c'est intrigant cette marche vers l'est dont on ne sait rien.


Bon, ben rapidement on se rend compte que les personnages principaux n'en savent pas plus. Tout ce qu'ils savent c'est qu'ils doivent marcher. Et ils n'en sauront pas plus à travers tout le roman. Paie ta quête palpitante. Bon, une quête ça sert surtout de prétexte à raconter une histoire, et de toute façon j'ai l'impression que le mot de la fin du roman c'est qu'on est bien con de suivre les ordres de vieux barbus sans les remettre en question, donc ça sert l'idée. Mais on ne nous donne pas le moindre indice sur lequel gamberger et essayer de se faire sa propre théorie, on n'a aucun détail sur Aberlaas et l'Hordre qui organise tout ça, on a juste du rien sur des pages et des pages.


Les péripéties alors?


Elles forceront peut-être certains personnages à se remettre en question, à remettre en question la horde, ou au moins à être un temps tiraillés entre une aspiration personnelle et la poursuite du contre? Ban non. Ils passent au travers certes difficilement mais rigoureusement inchangés. Ils passent d'un évènement à un autre sans avoir la moindre réponse, le moindre doute, la moindre hésitation. Bref, les chapitres qui séparent la rencontre avec les Fréoles de l'arrivée au camp de Boban ne servent à rien. À RIEN! on pourrait les couper (à mon avis on DEVRAIT les couper), ça ne changerait rien à la structure du récit. Dommage, ça fait 500 pages... Et alors merci le passage à Alticcio avec son chapitre pour faire mouiller les profs de français mais qui est plus qu'artificiel, le bon vieux poncif de la ville haute des riches et la ville basse des pauvres (à la limite pourquoi pas, mais ce n'est même pas développé, ça sert juste de bête décors à trois chapitres mais ce n'est la base d'aucune réflexion de la part de personne), et surtout, le passage qui a failli me faire arrêter : le coup de la bibliothèque où Sov se met à chialer tellement sa vie est "bouleversée" parce qu'il a lu sur le mur "vie chaque instant comme si c'était le dernier". Véridique. SÉRIEUX, ALAIN?
Et sinon, l'attaque du corroyeur et la Poursuite c'est une putain d'idée de génie, ça te met encore plus d'angoisse dans une situation où déjà les persos en chient, c'est tout bon. Sauf qu'on n'en reparle jamais. Jamais jamais jamais jusqu'à la dernière page. Oubliée la Poursuite.


Bon, du coup on se retrouve à se faire chier jusqu'aux 200 dernières pages. Mais je dois quand même dire à ce stade de ma critique que ces 200 pages sont magistrales et qu'elles méritent à elles seules que ma note passe de 3 ou 4 (et encore, juste pour le vocabulaire particulièrement inventif, et le seul personnage de Golgoth) à 8.


Dans ces 200 pages, les personnages prennent vraiment de la consistance : on les voit échanger avec leurs parents et leur émotion et leur humanité transparaissent vraiment. Ils commencent à se poser des questions ; est-ce qu'on reste ici ou est-ce qu'on continue? Ils continuent tous, ce qui renforce encore notre curiosité pour l'extrême-amont. On trouve des faiblesses à certains, d'autres trouvent des idées, et plusieurs personnages commencent vraiment à avoir des comportements qui collent à leur psychologie, qui se dessine enfin. Et le final est assez bien réussi, d'un nihilisme qui répond bien à l'aveuglement de tous depuis le départ. J'avais peur d'être déçu après tout ce temps à l'attendre, mais ça n'a pas été le cas.


Bref je ne peux que conseiller cette lecture, mais surtout conseiller à ceux qui n'accrochent pas de tenir bon. C'est long, c'est souvent vide, parfois cliché, mais - d'une - ça reste quand même agréable à lire... et - de deux - la fin vaut le coup. J'aurais juste aimé que le roman ne s'étale que sur 300 pages, les 100 du début et les 200 de la fin, mais pas sur 700... Je lui aurais sans doute mis 10 et ça aurait été mon étalon pour toute la littérature de l'imaginaire. En attendant, je ne boude pas mon plaisir, j'ai passé un très bon moment qui me fait relativiser tout mon calvaire du milieu.

ArnaudEtterlen
8
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le 19 oct. 2021

Critique lue 28 fois

ArnaudEtterlen

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