Prenons d’une part un célèbre auteur de fantasy absurde, Terry Pratchett par exemple, et d’autre part un auteur de science-fiction aussi brillant que pragmatique, disons Stephen Baxter. Associons-les. Le résultat ? La Longue Terre, un livre au concept initial à la fois idiot et vertigineux.

Ici, on ne s’embarrasse pas de détails techniques : un beau jour, l’humanité découvre l’existence d’un tas d’univers parallèles au nôtre. Il suffit de se construire un petit engin, un « passeur », et hop, on se retrouve au même endroit sur une Terre presque identique à la nôtre, quoique dénuée de toute trace d’être humain. Encore un coup et on se retrouve sur une autre, suivie d’une autre et ainsi de suite à l’infini. L’événement fait bien sûr l’effet d’un séisme : des milliers de gens, souvent les plus défavorisés, fichent le camp à travers ces mondes parallèles, cette « Longue Terre », ébranlant d’un coup toute l’économie mondiale. Si quelques freins empêchent un exode complet et débridé, le potentiel d’une telle découverte reste absolument gigantesque.

Josué Valienté, lui, est un cas spécial : il traverse sans passeur. Célèbre, il se passerait bien de sa notoriété et préfère s’isoler dans les Terres parallèles les plus lointaines possibles, façon homme des bois. Un jour pourtant, il est contacté par une corporation dont l’ambition n’est autre que de parcourir la Longue Terre à bord d’un dirigeable conçu pour aller là où personne n’aurait été auparavant. Il serait accompagné dans cette vaste entreprise par Lobsang, une intelligence artificielle (?) omnisciente et facétieuse prétendant avoir été autrefois un mécanicien tibétain. Pendant ce temps-là, la vie continue : des colons américains émigrent à la manière de leurs ancêtres, les polices du monde tâchent de gérer ce foutoir et les responsables politiques se demandent comment garder la main. Quant aux malchanceux incapables de traverser, ils rongent leur frein sur le bas côté.

La Longue Terre est un roman étonnant. La marque des deux auteurs britanniques y est clairement présente : Terry Pratchett lui apporte une touche d’absurde des plus réjouissantes, tandis que la substance même de l’histoire semble devoir beaucoup à Stephen Baxter. Tout en suivant le destin de quelques personnages, les auteurs s’amusent en toile de fond à explorer les très nombreuses voies que notre planète aurait pu suivre durant sa longue histoire, aboutissant à une myriade de possibilités. Si certaines Terres ressemblent fort à celle que nous connaissons, d’autres connaissent une ère glacière, d’autres s’avèrent désertiques, d’autres encore sont simplement étranges… Sur le fond, ce livre peut parfois faire penser à du Robert C. Wilson (auteur de Spin, Darwinia ou encore Les Chronolithes) en plus flegmatique.

Sorti en 2012 dans sa version anglaise, La Longue Terre fourmille d’idées et l’amateur d’étrangetés s’y sentira comme un poisson dans l’eau. Il faut cependant un certain temps pour saisir où Baxter et Pratchett veulent nous emmener, et cela s’explique en partie par le fait qu’il ne s’agit que du premier tome d’une série. Doté d’un début et d’une fin, il se suffit heureusement à lui-même. Soyez toutefois prévenus : une fois la dernière page tournée, il est difficile de ne pas envisager de se procurer la suite, La Longue Guerre.
Nonivuniconnu
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le 2 févr. 2015

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Nonivuniconnu

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