Il y a un an ou deux, en zappant, le visage d'Helen Mirren surgit sur mon écran, elle s'affaire dans une cour d'immeuble, elle lave du linge dans une bassine et porte un fichu sur la tête. J'ai à peine le temps de me dire "Tiens? Quesako" que la seconde suivante je suis happée corps et biens, dans l'une de ces très rares occurrences cinématographiques où l'on ignore à chaque méandre où l'histoire va mener et où toute pensée parasite se tait. J''ignorais totalement qu'il s'agissait de l'adaptation d'un livre, que par ailleurs je ne connaissais pas non plus. C'est donc fortuitement et par ignorance que j'ai donc d'abord découvert La Porte et fait connaissance avec Emerence par l'image, ce qui ne m'arrive autrement jamais.
Cela ne m'a pas empêchée de trouver l'oeuvre de Magda Szabo absolument magistrale. Je suis d'accord avec l'utilisation du terme chef-d'oeuvre au sens où Emerence est sans doute l'un des personnages les plus grandioses de la littérature, que Szabo met en écrin avec une maestria d'autant plus remarquable qu'il n'est question que de ménage, de quotidien, de vie de quartier, bref du "domaine des femmes". C'est à cela que tient la réussite exceptionnelle de ce livre, sa capacité à sublimer un personnage qui n'est jamais aux prises qu'avec les trivialités de la vie domestique, le ménage, les lessives, la préparation des repas et le déblayage de la neige. Mais la fantasque, autoritaire, généreuse et secrète Emerence aurait tout aussi bien pu régner sur une décharge à ciel ouvert, un parking de supermarché ou une mine de charbon, c'est une souveraine, une impératrice autour de laquelle tout le reste, humain ou animal, ne fait que graviter.
Enfin, les démons du passé et les secrets du présent d'Emerence achèvent de faire de La Porte l'un de ces livres, une fois refermé, que l'on ne voudrait ne pas voir encore lu.
Précipitez-vous sur le livre, puis sur le film dont je peux dire à posteriori qu'il est aussi une grande réussite, par le choix d'Helen Mirren pour incarner Emerence, mais aussi par sa fidélité à l'oeuvre dont il est né.
Très bonne lecture,
Amitiés,
Dustinette