«  Ma définition de la perfection inclut une rivière, de la solitude, une mouche sèche et une truite. »

Dahlgren Wallace coule des jours paisibles au fin fond du Montana. Après les coups durs – une carrière de footballeur avortée, suite à une blessure, puis une guerre du côté du Golfe persique –, le bougre goûte désormais son bonheur au bord de rivières poissonneuses. Employé comme guide de pêche par Fred Lather, riche magnat des médias devenu éleveur de bisons, au grand dam de ses voisins, il est aux petits soins pour les invités du milliardaire, quitte à leur sortir le « Satané Putain de Grand Jeu. » lorsqu’on le sollicite. Elden Elderberry, Deux-E au carré pour les intimes, appartenant à cette catégorie des gros bonnets, Dahlgren lui concocte un programme de rêve, histoire d’en mettre plein les mirettes et l’épuisette. Il n’a cependant pas prévu que Deux-E au carré terminerait sa journée à barboter dans l’eau, le crâne fracassé. Le genre de prise dont il se serait bien passée. D’autant plus qu’il fait désormais figure de principal suspect aux yeux du FBI. Et comme si cela ne suffisait pas, il devient également la cible de toute une bande de nuisibles.


S’il fallait sous-titrer La rivière de sang, nul doute que « jeu de dupes » conviendrait parfaitement. Le roman de Jim Tenuto n’est en effet qu’un jeu de fausses pistes suivi avec nonchalance par un héros manifestement plus préoccupé par sa quiétude que par la recherche du coupable. Dahlgren Wallace n’est pas sans rappeler Barnes la Tendresse, le héros de Richard Hugo. Le genre de type fondamentalement pacifique parce qu’il sait que la vie réserve son comptant de saloperies sans qu’il soit nécessaire d’en ajouter.


La mort côtoie la belle vie dans La rivière sang, prenant l’apparence d’un assassinat dont Dahlgren apparaît comme le coupable idéal. Mais, ils sont nombreux à se bousculer au portillon pour revendiquer le crime. D’abord Ferris, le général autoproclamé des Patriotes du Montana, une milice néonazie composée de vrais Blancs nourrissant un penchant quasi-fétichiste pour les tatouages et la bière. Puis Zed et les excités du PETEM, des écoterroristes bien plus préoccupés par les droits des animaux que par ceux des hommes. Les deux groupuscules se font menaçants et revendiquent le meurtre, histoire de faire cracher les dollars à Fred Lather. Et cela fait beaucoup de suspects pour un meurtre qui a l’heur de réjouir aussi les ranchers véreux qui lorgnent sur ses terres.


Qu’il n’y ait pas de malentendu. L’intrigue de La rivière de sang n’est pas du style haletant, bien au contraire même, Jim Tenuto prend son temps, tissant des ambiances chaleureuses propices à la contemplation et à l’introspection. Pourtant, on ne s’ennuie à aucun moment. Entre les descriptions du Big Sky Country, la solidarité rugueuse unissant ses habitants, l’humour aigre-doux baignant l’ensemble du roman, la gouaille de Dahlgren et de ses congénères, on ressort apaisé avec une furieuse envie de grands espaces. Sans pour autant avoir envie de jouer à l’apprenti trappeur, on ressent juste l’envie de lâcher les routines et d’échapper à la pression sociale, ne serai-ce que pour profiter des plaisirs simples de la vie.


Au final, Jim Tenuto m’a bien ferré sur ce coup. J’en redemande !


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leleul
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le 21 mai 2016

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