Une dystopie "maturisante" et nécessaire !

Ce livre n'a pas pris une ride : le monde démocratique révolu que décrit Defred est incontestablement le nôtre aujourd'hui. Quant au régime totalitaire qui s'impose pour elle au présent, il pourrait bien être celui que nous, lecteurs, connaîtrons dans les mois ou les années à venir : ce roman, lorsqu'il raconte – même brièvement – l'avènement de cette tyrannie, est effrayant de réalisme et de vraisemblance.

J'ai donc suivi Defred tout au long du livre avec beaucoup d'empathie et d'intérêt : j'ai craint à chaque instant les répercussions de ses faux pas, j'ai redouté l'Oeil en chacune de ses fréquentations, j'ai guetté avec anxiété la menace de mort qui courait sur elle et ai rêvé nombre de fois de l'immobiliser au détriment d'une vie qui en mérite le nom pour la préserver du carnage... Bien sûr, j'aurais pu vouloir lui tendre la main pour l'extirper des lignes de sorte à lui éviter de subir son rôle d'actrice une minute de plus mais j'étais déshumanisée et privée de ma liberté avec elle...

J'adore les livres qui communiquent un sentiment d'insécurité ou d'agitation et qui vous poussent à vous impliquer, d'une certaine façon : La servante écarlate est de ceux-là. Dans sa manière d'inviter le lecteur à envisager/réfléchir un monde coercitif, austère et navrant, ce roman m'est apparu comme franchement « maturisant ».

Ce n'est certes pas le premier roman d'anticipation dystopique que la littérature connaît – Huxley, Orwell ou Bradbury, pour ne citer qu'eux, en ont proposé de semblables – mais celui-ci se distingue parce qu'il met une femme au centre de l'intrigue. Margaret Atwood creuse ici la question féministe avec beaucoup de subtilité et de retenue. La description de la situation et des événements, dans la bouche de Defred, reste passablement neutre, laissant au lecteur le loisir de les évaluer par lui-même...

Je n'ai à déplorer – vaguement – que deux petites choses : l'absence d'une note de bas de page en particulier qui se serait avérée indispensable, ainsi que la couverture du livre, franchement dissuasive à mon sens (il en va là d'un commentaire frivole, j'en conviens)...

Quoi qu'il en soit, La servante écarlate est d'après moi une œuvre à la fois captivante et intelligente,
une œuvre qui pose constamment en filigrane la question de savoir ce que nous ferions à sa place... Rien de plus ni moins, je pense, et c'est bien pour cela que ce roman est si interpellant !

Lisez ce livre, il est nécessaire !

« J'essaie de ne pas trop penser. Comme d'autres choses maintenant, la pensée doit être rationnée. Il y a beaucoup de choses auxquelles il n'est pas supportable de penser. Penser peut nuire à nos chances, et j'ai l'intention de durer. » (p. 10)
Reka
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le 9 mars 2012

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Reka

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