C'est un livre très long, qui accumule à outrance les exemples pour prouver que la CIA et les théories assassines de l'économiste Friedman sont à l'origine de nombreuses dictatures dans le monde. Ou alors qu'elles ont surfé sur la vague de catastrophes naturelles pour reprendre la main sur les plans politique et économique. Bien que ce soit largement et excessivement documenté (près de 100 pages de références!!!), on reste tout de même bien souvent sceptique. Je pourrais donner des exemples toutes les 10 pages, notamment
- p148, où on apprend qu'un organisme de défense des droits des l'hommes était en fait financé par la CIA
- p204 : Grande Bretagne. Thatcher aurait aussi eu des correspondances avec l'économiste qui a trempé dans la mise en place de l'économie chilienne sous Pinochet et qu'elle aurait regretté ne pas pouvoir installer une telle rigueur en UK (même si les mineurs se sont fait salement maté ensuite).
- p249 : Argentine. "Les restaurateurs argentins utilisaient des billets de banque pour tapisser les murs de leurs établissement parce qu'ils coûtaient moins cher que le papier".
- les 200 premières pages :Toutes les dictatures de l'Amérique du Sud ne sont que le résultat de la volonté américaine d'utiliser ces pays comme laboratoire pour l'implantation d'une nouvelle économie ultra-libérale.
- p319 : Afrique du Sud. Depuis la libération de Mandela, l'espérance de vie a diminué de 13 ans, ces chiffres sont la conséquence des décision fatidiques du parti de Mandela suite à leur négociations avec l'ancien gouvernement, qui a les a bien eu
- p334 : Afrique du Sud. Les dirigeants du parti de Mandela ont reçu depuis le début le message des gouvernements occidentaux, du FMI et de la banque mondiale : "Le monde a changé, les idées de gauche n'ont plus de sens, il n'y a plus qu'une façon de faire les choses"
- p387 : "après la 2ème guerre, les Allemands étaient si nombreux à se laisser séduire par le socialisme que les Etats Unis ont décidé de diviser leur pays en 2 plutôt que de risque de le perdre au complet

Et puis il y a les passages surréalistes, qui vous donnent presque envie de vomir :
- p229 : Bolivie. Le gouvernement s'apprête à mettre en place une nouvelle série de loi de rigueur qui va plonger le pays dans le désastre et soumet sa proposition au FMI : "c'est l'accomplissement du rêve de tous les fonctionnaires du FMI. En cas d'échec, heureusement, je bénéficie de l'immunité diplomatique et je n'aurai qu'à sauter dans un avion pour m'enfuir"
- p340 : Russie. "The Economist" conseillait à Gorbatchev de modeler sa conduite sur Pinochet, l'auteur concluait que même si le fait de suivre ses conseils risque de causer une effusion de sang, le moment était venu pour l'Union Soviétique d'entreprendre une réforme néolibérale"
- p374 : Mexique. En 1994, lors de la crise Tequila, le plan de sauvetage américain prévoyait des privatisations rapides, Forbes claironna que sa mise en place avait fait 23 nouveaux milliardaires."La morale saute aux yeux : pour prédire les prochaines éclosions de milliardiares, on n'a qu'à surveiller de près les pays dont les marchés se libèrent"

Alors soit on croit tout ce qui est écrit dans ce livre et là franchement c'est complètement déprimant et il n'y a plus aucun espoir, à aucun endroit de la planète, tout est vérolé, corrompu, joué d'avance, etc. Quoi qu'il arrive dans le monde, le spectre du néolibéralisme viendra placer ses pions et dérouler un scénario bien préparé et détruire des emplois, enrichir un peu plus une caste d'ultra privilégiés, agrandir les écarts et les injustices, augmenter la pauvreté, etc...J'avoue que de ce côté là, ce livre m'a passablement agacé. Et il y a un moment où on a inévitablement l'impression que tous les chapitres se ressemblent : même acteurs, même conséquences dramatiques, on change juste le nom du pays, le nombre de victimes et les noms des marionnettes dans les différents gouvernements. Je me suis quand même souvent dit que l'auteur n'était pas impartial et objectif.

D'un autre côté, il faut reconnaître à l'auteur qu'elle a développé une telle psychose d'être contredite que chaque paragraphe renvoi à une note en fin de livre, pour prouver que tout était justifié. Il en résulte un livre très fouillé, très documenté et très riche. J'ai notamment beaucoup appris sur les différents régimes dictatoriaux en Amérique du Sud, sur le contexte de l'arrivée de Mandela au pouvoir, sur l'horreur du pouvoir de Boris Eltsine, c'était passionnant. On a pu lire notamment dans le Times que l'économie sous Pinochet a connu une véritable expansion, lire ce livre permet indiscutablement de connaître le revers de la médaille. Je pense que la très grande majorité de ce qui est dans ce livre est vrai et fondé, mais c'est tellement glauque qu'on ne peut éviter de penser que l'auteur a dû quand même à un moment faire des amalgames et assimiler plus de responsabilités à certaines personnes ou organismes qu'ils n'en ont réellement eues. Je recommande tout de même ce livre pour tout ce qu'il apporte malgré sa trop grande longueur. Ca restera une oeuvre très enrichissante sur la géopolitique de la 2ème moitié du 20ème siècle.
Aptiguy
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le 30 sept. 2011

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