Dans le cas du narrateur de White, le nerf identitaire n'est pas seulement à toute sorte d' obstacles – plus ou moins courants – auxquels tout héros de roman d' apprentissage est confronté lorsqu'il entre dans le monde des adultes.

Ici c'est la partie années 70 ou le narrateur ("je") vit la décennie de ses vingt ans. :Avec le passage de l'internat à l'université, l'attend la friction cruelle avec les normes culturelles liées aux attentes viriles : la découverte de son homosexualité façonne progressivement la psyché conflictuelle de ce protagoniste avide d'acceptation.

Le fait est qu’à cette époque, affirme le narrateur, « il y avait peu de consommation de culture et pas de dissidence : ni dans l’apparence, ni dans les croyances, ni dans le comportement [...]. Les trois crimes les plus odieux connus de l’humanité étaient le communisme, la dépendance à l’héroïne et l’homosexualité. »

Se découvrir gay – comme si sa condition homosexuelle était en fait celle d'un criminel – signifie, pour ce jeune homme de 17 ans, une véritable excommunication.

La stigmatisation sociale conduit à des rencontres clandestines dans les toilettes publiques, et la dissimulation entraîne le désagrément de la culpabilité face au prohibitif. Tandis que son père veut lui enlever par le travail manuel le « pédé » qui le pervertit intérieurement, son psychiatre, l'endurci Dr "O'Reilly", entend le guérir de cette « maladie » : si son désir le conduit vers les hommes, c'est ce désir qu'il faut annihiler.

Grâce à la rencontre de certaines amies bohèmes et de « reines » extraverties, la confiance du protagoniste va peu à peu s'installer et lui permettre de ressentir la fraîcheur de quelques timides brises de liberté.

Émerge le portrait d'un personnage lourdaud, naïf et provincial, souvent comique, parfois emplit de tristesse qui " monte " à New York, la grande ville avec ses bas-fonds.

White écrit avec aisance et embellit sa prose, ici, là, de coups de pinceau exquis. D'excellents portraits, des observation surprenantes de réalisme le roman s'achève sur la révolte de "Stonewall" ( "le coming out" du narrateur se fera dans la troisième partie).

Comme dans le premier volume, "un jeune américain" la mémoire fonctionne comme un récit qui aboutit à une poignée de personnages vigoureux, façonnés à partir de la sérénité accordée par l'omniscience adulte, et dessinant, dès l'adolescence incertaine, la matière délicate, charnelle et épineuse d'une belle littérature..

Un livre fort, magnifique et inoubliable!

#henrimesquida #cinemaetlitteraturegay

HenriMesquidaJr
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le 29 sept. 2023

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