Hicham Matar est un splendide romancier. Au pays des hommes et Une disparition racontaient notamment comment un garçon libyen vivait l'absence d'un père emprisonné. Bien entendu, il y avait dans ces deux livres, derrière la fiction, une veine autobiographique très marquée quand on connaissait un peu l'histoire de l'auteur, né à New York et vivant à Londres mais ayant passé toute son enfance en Libye et "perdu" son père à l'âge de 19 ans quand celui-ci a été emprisonné par le régime de Kadhafi. La terre qui les sépare, le dernier ouvrage de Hisham Matar, s'annonce d'emblée comme un récit, celui de la quête d'un fils, Matar lui-même, pour un père dont il ignore s'il est encore vivant ou non, après que la révolution de 2011 a ouvert les portes des cellules. Le livre raconte le retour de l'auteur dans son pays de coeur mais il est bien plus que cela : c'est un ouvrage intime autour d'un deuil impossible, une enquête minutieuse pour connaître la vérité et enfin une histoire d'un pays qui a connu moult occupations étrangères : phénicienne, grecque, romaine, arabe, ottomane, italienne ... avant que seulement après 18 ans d'indépendance, Kadhafi ne confisque le pouvoir pour plus de 40 ans d'un règne sans partage, d'une cruauté sans nom pour ses opposants. Le style de Matar est toujours aussi superbe, ce qu'il évoque, sans trémolos et parfois un peu de distance, par pudeur, est d'un énorme intérêt. Cependant, il n'est pas interdit de trouver le récit qui fuit la linéarité parfois un peu confus, en particulier du point de vue temporel. Perdre le fil un moment, et confondre les nombreux personnages qui peuplent le livre, ne sont pas toutefois rédhibitoires. Hommage à un grand homme, et à un père, et partant à tout un peuple qui a lutté contre un tyran épouvantable, La terre qui les sépare fera sans doute davantage connaître Hisham Matar que ses deux premiers romans, hélas passés inaperçus, du moins en France. Tant mieux, cet écrivain le mérite amplement.

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le 7 févr. 2017

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