Pourquoi un titre si négatif pour une note si correcte ?
Parce que j'ai passé un bon moment en lisant ce livre, c'est un bon (petit) bouquin de vacances, à lire au soleil ou affalé dans son canapé. L'histoire est prenante et, malgré les 853 pages - comportant, certes, quelques redites -, on ne s'ennuie pas.


**


MAIS.

(Attention, spoil !)



**


Mais d'un point de vue littéraire, c'est quand même loin d'être une grande oeuvre.


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/1



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Pourquoi les USA ?
Dicker est un écrivain francophone. Et il n'a même pas l'excuse d'être québécois. Alors POURQUOI va-t-il situer son intrigue outre-Atlantique ? Parce que c'est plus facile de parler de lycées américains dans lesquels ont fait des tournois de sport ? Parce que c'est plus facile de se calquer sur des séries américaines tant d'un point de vue "je suis flic et je mange des donuts" que "la parfaite petite ville tranquille aux maisons quatre façades inspirée de Desperate Housewives" en passant par "je suis trop un presque-trentenaire brillant et branché donc j'ai un appart' à Manhattan et je fais du jogging à Central Park".
C'est donc à grands coups de clichés américains qu'est peint le décor de l'intrigue.


Notons qu'il aurait très bien pu situer son action en Europe. Scoop : il y a AUSSI des histoires sordides en Europe. Ah mais j'oubliais : après trente ans, il y a prescription pour la justice, alors ne soyons pas tatillons, allons placer l'intrigue bien loin, comme ça il ne faudra pas trop creuser la cohérence. Puis, c'est vendeur, l'American Dream et les meurtres glauques dans une banlieue chic.


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/2



**
Le même schéma pour tous les personnages, ou presque.
Si, au début du bouquin, tous semblent avoir des traits de personnalité qui lui sont propres, on remarque vite qu'ils tournent tous autour du même moule :
- le regret / remord
- l'autopunition qu'on s'inflige pour un acte plus ou moins grave commis trente ans avant
- ils finissent tous par chialer sur "c'était quand même tellement beau, l'amour de Nola pour Harry" bouhouhou. Mièvrerie, bonjour.
- le mal-être poussant à - soudainement - ne plus pouvoir se taire et à tout avouer, en pleurant et se lamentant. Parce que pendant 33 ans on a été fort mais on devient soudainement une lavette.
Tous les personnages finissent par sombrer dans le pathos, à l'exception de Robert Quinn qui décide finalement d'avoir un peu de coucougnettes et, évidemment, du héros, Marcus.


Ce livre, c'est surtout l'histoire de l'ascendance de Marcus sur Harry, tant d'un point de vue littéraire que mental. De grand écrivain puissant, de maitre à penser, de boxeur chevronné; Harry devient une figue déconfite dont on apprend qu'il n'a même pas écrit son roman. Dégringolade. Marcus, lui, passe du lycéen imposteur à l'homme qui a permis de mettre en lumière la vérité sur l'affaire Nola.
Je ne peux pas m'empêcher de me dire que Marcus, c'est un peu Joël Dicker. Même âge, belle gueule, écrivain...pas si brillant que ça. Un alter ego ?


Toutefois, je rajoute une étoile pour la Maman de Marcus.... parce qu'elle est tout simplement merveilleusement dépeinte, avec une exagération qui la rend si pitoyable que c'en est drôle.


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/3



**


L'écriture
Une chose m'a énormément gênée dans la lecture de ce livre : tous les personnages adoptent le même langage. Le même vocabulaire. Les mêmes tournures de phrases. Ainsi, une gamine de 15 ans s'exprime de la même manière que le chef de la police, le chauffeur défiguré ou le grand homme d'affaire. Harry, ancien professeur au lycée et écrivain utilise le même vocabulaire que le pèquenaud du coin qui range les cadis. Pourtant, le langage devrait être révélateur tant de l'âge que du milieu social et de l'éducation.
De ce fait, l'épisode du "Olalala il est écrit Adieu Nola Chérie sur le manuscrit, ce sont les mots qu'emploie Harry" n'est pas crédible.
Les lettres de Luther à Nola posent le même problème : rien qu'aux termes utilisés et aux tournures de phrases, on aurait du savoir dès le début que ces lettres n'étaient pas de Harry.


Et passons sur le fait qu'Harry ait réussi à faire croire que Les Origines du Mal étaient de lui; qu'il ait écrit d'autres bouquins ; puis publié Les Mouettes d'Aurora en faisant croire que c'était de Luther. Personne, dans le monde de Dickers, n'a rien vu. Pas un érudit / prof de lettre / lecteur avisé ne s'est rendu compte que ces textes ne pouvaient pas avoir été écrits par la même personne ?!


**



/4



**
L'inspiration
Un chapitre m'a particulièrement dérangée.



Nola. Nola. Nola. Nola. Nola. N-O-L-A. N-O-L-A. N-O-L-A. Quatre
lettres qui avaient bouleversé son monde. Nola, petit bout de femme
qui lui faisait tourner la tête depuis qu’il l’avait vue. N-O-L-A.



Et puis on se souvient de ça :



Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme.
Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du
palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Lii. Ta.



Ce n'est pas la seule ressemblance avec d'autres auteurs que j'ai pu noter en lisant ce livre... mais c'est celle qui me semble textuellement la plus parlante.
Désolée, Joël, tu n'as rien inventé et ça se sent !



Pour conclure



Un petit livre bien sympathique pour se détendre, mais, selon moi, pas de quoi en faire un prix littéraire. Et, quoique ma critique peut sembler très négative, je pense que je lirai Le Livre des Baltimore... entre deux livres un peu plus fouillés et aboutits tant au niveau de la forme que du fond.

Bellone
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le 25 août 2016

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Bellone

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