Dans ma (re)découverte d'auteurs français du XXème siècle (liste 2022), Gary rivalise avec Giono.
Ils placent - l'un comme l'autre - l'humanisme au centre de leurs récits.
Evidemment, les styles sont différents mais pour une fois, La Vie devant soi permet de les rapprocher grâce à son style épuré et populaire.
Soit dit en passant, certains auraient insinué à l'époque que le roman d'Emile Ajar aurait été écrit par un ordinateur. Une bonne blague !! Par quel mystère une intelligence artificielle aurait-elle pu faire preuve d'autant :
- d'imagination en se plaçant dans la peau d'un pré-ado à la culture proche du néant ;
- de créativité en utilisanttrès astucieusement les mots à contresens ?!
L'introduction est un bijou et dès les 1ers paragraphes, le récit annonce la couleur (sic) :
La famille ça ne veut rien dire et qu'il y en a même qui partent en vacances en abandonnant leurs chiens [...].
La marque de fabrique de Romain Gary se retrouve à chaque page, dans chaque paragraphe : l'auteur y mêle l'humanisme et la "vraie vie" des classes populaires.
Un challenge que devraient tenter relever tous les hommes politiques qui se réclament du "progressisme" plutôt que de rester dans un nuage de bienveillance diablement naïve.
[...] il y avait chez nous un petit Moïse qu'elle traitait de sale bicot mais jamais moi. Je ne me rendais pas compte à l'époque que malgré son poids elle avait de la délicatesse.
NB : Mme Rosa est juive tout comme Moïse contrairement au protagoniste Mohamed qui est musulman.
Bref, La Vie devant soi est une oeuvre qui nous parle du véritable cosmopolitisme sans fantasme idéologique.
Cet aspect m'a particulièrement touché.
Romain Gary ne renonce jamais à ses aspirations mais il ne les glorifie pas.Au contraire, il se moque de ses idéaux pour mieux faire prendre conscience - par l'asburde - de leur nécessité.
L'humanisme est d'ailleurs le fondement du Prix Nobel de Littérature contrairement au Prix Goncourt (qui se contrefiche de cet aspect). Dommage que les Français (fins diplomates) aient été surreprésentés (pffff : Roger Martin du Gard, Saint-John Perse voire Le Clézio plus récemment !) !
Quel que soit son nom, l'auteur aurait largement mérité cette reconnaissance.
Alors faites comme moi : votez Romain Gary / Emile Ajar. Lisez le !