Je n'avais jamais lu cette œuvre indispensable par les temps qui courent, et bien difficile à résumer, autant que son insaisissable auteur.
Ce n’est pas qu’un récit de l’univers du Belleville paria, des années 70, ce n’est pas que l’humoristique description du lien improbable entre une vieille dame juive, ex-pute et un enfant arabe Momo (Mohamed).
C’est une histoire subtile racontée par le narrateur Momo lui-même, où perce les différentes psychés de l’auteur, et ses multiples masques, Emile Ajar, ex-Romain Gary, mais surtout son indéfectible besoin de porte parole des plus faibles.
Elle, Mme ROSA, en retraite de son commerce, dans son 6ème étage ‘à pied’, devenue tenancière d‘une pension sans famille pour 'enfants nés de travers’, enfants de putes, des gosses +- abandonnés, mais tous juifs, arabes, ou noirs.
Lui Momo, enfant non daté, fruit d’une pute ou de putes dont il disait ‘qu’elles se défendent avec leurs culs’.
Elle, 95 kilos de délicatesse et anxiété, ‘lorsqu’il n’y a personne pour vous aimer, ça devient de la graisse’, se délectant des gâteaux au ‘Coupole à Montparnasse’, marchant comme ‘un déménagement’, parlant toutes les langues, dont le polonais, sa langue natale (‘sa langue la plus reculée’).
Lui ‘trop jeune ou trop vieux pour son âge’, entre 10 et 14 ans, ayant comme il disait des ‘troubles de la précocité’.
Elle, avec ses 65 ans, sa tête de ‘vieille grenouille juive avec des lunettes et de l’asthme’, un remake de la mère de l’auteur (décrite dans la ‘Promesse de l’aube’), des tombereaux de parfum derrière les oreilles, comme ‘le persil chez les veaux’, pour atténuer le vieillissement, ‘les lois de la nature’.
Lui, ne voulant ‘pas faire de la vie une beauté’, surtout pas de bonheur, ‘une belle ordure et une peau de vache, le bonheur, et il faudrait lui apprendre à vivre’.
Elle avec sa déchéance et son mal partout, sa peur atavique, celle de la police, de la milice, des rafles, son cri du cœur juif, ‘’œil œil’, face à lui, l’arabe, pas plus tranquille, mais avec un autre cri d'effroi, ‘khai Khai’, tandis que le môme revendiquant être quelqu’un et donc plusieurs, à l’identique de l’auteur.
Le propos est tragique et drôle, reste d’une frappante actualité, car décline le vieillissement, la mort, la relégation, la laideur, le racisme, la fraternité et l’amour en dépit des différences de culture et religion.
Prenons en tous de la graine.