Güllen, petit village allemand que la fortune semble avoir renié. Toutes les villes aux alentours connaissent une économie prospère, notamment grâce aux ressources naturelles de l'endroit, mais à Güllen toutes les entreprises ont fait faillite, l'une après l'autre, le train a même cessé de s'y arrêter. Le seul commerce qui perdure tant bien que mal c'est l'épicerie tenue par Ill, ce dernier est vu comme le prochain maire, d'autant plus qu'il a trouvé une solution pour sauver sa commune. Plus jeune, il a été l'amant d'une certaine Claire Wäsher, qui est devenue multi milliardaire suite à son premier mariage avec Zahanassian, le possesseur d'Armenian Oil, une firme florissante. Elle doit venir lui rendre visite et il compte demander un prêt au nom de tout les habitants. Tous sont en fête, on prépare des banderoles et des fleurs pour l'arrivée de l'omnibus. C'est alors que le train national pile devant les riverains ébahis, Madame Zahanassian a tiré le signal d'alarme, afin de gagner du temps de voyage. Une fois son identité dévoilée, le contrôleur s'excuse de ses propres remontrances, et le village découvre la vieille dame acariâtre qu'est devenue leur "Clairette". Elle porte des prothèses pour remplacer les membres qu'elle a perdus lors d'accidents, et est accompagnée d'une curieuse délégation : deux vieillards aveugles, ses laquais-garde du corps, et son septième mari dont elle n'a même pas pris la peine de retenir le nom et qu'elle surnomme " Moby", pour aller avec les sobriquets de ses gens, Toby, Roby, Koby et Loby. Après une promenade dans les lieux de leurs premières amours, Ill arrive à décider son ancienne conquête à céder plusieurs milliards à leur cause. Toutefois, la dame a une condition qu'elle annonce devant tout le village. Son départ de la bourgade a été précipité, et c'est Ill qui l'a forcée à partir. Il l'a mise enceinte et a nié la paternité de l'enfant, allant même jusqu'à produire des faux témoins devant la cour. Le salut de Güllen aura pour prix la dépouille de l'épicier, pour venger l'humiliation subie par Claire.

La visite de la vieille dame est une pièce de théâtre au style inattendu, on a l'impression de lire du Ionesco tant on se noie dans l'absurde. La situation quand à elle est kafkaïenne, un homme traqué, que la paranoïa dévore à petit feu. La gradation dans l'intrigue est menée d'une main de maître, d'autant plus que la pièce est très courte, (154 pages). Le premier acte nous présente le village et la déchéance de ceux qui y vivent. Le deuxième présente les personnages et commence par l'arrivée de la vieille dame en question, c'est là que l'élément perturbateur apparait, d'abord par les sous-entendus malsains de Claire, puis est révélé par la demande qu'elle formule. On découvre aussi les premiers effets que cette étrange requête a sur la population, et sur le principal intéressé. L'acte III se focalise sur Ill et sur Mme Zahanassian, dans leur sphère privée, et se clôt sur une mise en abyme théâtrale. Le metteur en scène de l'adaptation que j'ai lue a choisi de faire jouer chaque mari de la milliardaire par le même acteur et pour présenter la forêt il utilise les personnages pour créer un faux décor, ce qui augmente encore l'impression d'absurdité des scènes. Je ne connaissais pas cet auteur, et c'est une heureuse surprise, son humour est grinçant mais il touche au but. Je le recommande même à ceux qui comme moi ne sont pas friands de théâtre.
Diothyme
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le 10 avr. 2012

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