A la mort de son meilleur ami Gregorio, Manuel voit son monde s'effondrer. Les deux jeunes hommes partageaient tout, mais de cette relation gémellaire survit des cicatrices et des jalousies. Un bison bleu tatoué sur leurs bras, puis stigmatisé chez Manuel, et un amour de jeunesse, la belle Tania, ravit à Grégorio.Mais il est dur d'en vouloir à un homme qui s'est tiré une balle dans la tête, surtout lorsqu'on l'aime comme un frère. Au croisement de deux émotions trop fortes, pense la psychanalyse, il y a la folie, et il y a la formation du tabou, qui se heurte à toute progression.Gregorio mort devient une entité dévorante, son absence hante chaque page du récit.
Mais l'habileté de Guillermo Arriaga est là: empêtré comme il l'est dans le regard du narrateur (Manuel), le lecteur peine à s'extirper de cette perspective subjective, et le suis donc docilement pas à pas dans sa folie.
De Gregorio que l'on nous présentait comme le manipulateur, Gregorio le brutal, le séducteur, on bascule peu à peu dans une autre réalité, un autre côté du miroir, un monde plus sombre, où Manuel nous entraîne sans grande difficulté, parce que l' Enfer, comme la folie, est souvent pavé des meilleures intentions, et de la meilleure argumentation.L'Enfer, décidément...Sartre nous apprenait qu'il se situait dans le regard des autres. Et c'est bien ce regard, qui a double titre ouvre les yeux du lecteur sur sa situation, où aveuglément, il suivait son narrateur.
Roman efficace, infernal. Arriaga, que l'on connaissait surtout en France pour ses scénarios, comme "21 grammes", manie le drame humain avec pertinence, cette pente douce et facile de la folie, jusqu'à ce que tout bascule, où le morbide se mêle à l'érotique, où la violence se mêle à l'amour, où la colère se mêle au chagrin.Un roman sans réelle chute ou fin, mais plutôt conçu comme une tranche à vif, paradoxalement autant à vif de vie que de mort.
Emma Breton
madamedub
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le 21 août 2011

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