Une oeuvre amputée sur papier

Alors, certains risquent de ne pas comprendre ma note, pourtant, il faut saisir qu'elle est, en réalité, fort haute. En effet, je m'imagine mal mettre plus car je note, ici, le texte d'une œuvre qui se révèle être une comédie-ballet. Or, il me semble impossible de noter parfaitement une œuvre tronquée. Je pose la question : lui mettre 10/10 signifierait qu'une fois accompagnée de la musique et des danses, tel qu'initialement prévue, elle serait au-delà de la perfection ?

Le texte du Bourgeois Gentilhomme est très drôle. Il s'agit d'une des pièces les plus réussie de Molière dans son aspect comique pure, avec des éléments de farce. Le style emplie de liberté et pourtant d'une rigoureuse construction se sent bien et on avance avec aisance dans la journée de monsieur Jourdain, bourgeois qui voudrait être gentilhomme. On le voit ridicule avec ses maîtres de musique, de danse, d'escrime et bien sur de philosophie. On le voit ridicule avec sa femme et sa fille. On le voit ridicule avec son ami le comte et amoureux d'une marquise. Ridicule face aux supercheries de Covielle, le valet qui vaut bien un Scapin.
Mais le ridicule de Jourdain est assez marrant pour qu'on en rit sans jamais le détester pour autant. Et jamais on ne méprise les autres protagonistes, tous très agréables d'ailleurs. Même Dorante, le comte qui manipule le bourgeois est intéressant tant il a certaines notions de justice qui amusent. Covielle est un valet plus que drôle, maître dans la supercherie et Jourdain amusera follement le spectateur. Sa femme, enfin, joue une voix de la raison qui émane du peuple et offre l'occasion, à Molière, d'amener des considérations sociales.

La pièce très réussie souffre bien sur d'être une seule partie d'une œuvre magnifique et grandiose où Lully a composé la musique. Et rien que pour cela, on regrettera, quelque part de le lire plutôt que de le voir. La fin surtout, quand la pièce se termine avec aisance, évacuant, pour le moment, les difficultés. On rigole d'aise et on se divertit en musique ensuite.
Le Bourgeois Gentilhomme amène les phases musicales avec délicatesse et finesse sans jamais donner le sentiment d'une coupure nette et ce qui caractérise le mieux la pièce c'est l'évidence. Évidence des répliques, évidence des suites d'actions. Tout apparaît comme évident, et c'est là le plus grand génie de Molière.
À lire et à voir.