« Tu connais la loi des Carvalhais Medeiros : une femme est mariée, vierge ou veuve. Rien d’autre.»

Dans les années 1970, pendant la dictature militaire au Brésil, la vaste demeure familiale des Carvalhais Medeiros renferme des générations de femmes écrasées par le carcan de la religion et de la tradition. Parmi elles, la jeune Marina tente de sortir de prison son cousin João, un résistant à la dictature.
[...]
Heloneida Studart est un monument de la littérature brésilienne. Injustement inconnue en France, puisqu’elle n’a même pas de fiche sur Wikipédia (même celle en portugais est ridicule). Et pourtant.

Chez Heloneida Studart, les destins des femmes sont brisés par le carcan de la religion et de la tradition ; l’inculture, la contrition, l’asservissement à l’homme et au patrimoine familial sont justifiés par la foi chrétienne. Les jeunes filles pleines du désir de vivre et de s’ouvrir au monde deviennent des vieilles aigries et recluses, violées dans leur cœur et dans leur corps par le diktat familial et du qu’en-dira-t-on. Elles aiment, enfantent ou avortent dans le secret et la crainte d’être reniées par celle qui leur a donné naissance, leur mère. Salies, déshéritées, traitées de putes, leur destin semble encore pire que si elles s’étaient soumises à la loi familiale.

Le racisme est également un des thèmes porteurs de l’œuvre de Heloneida Studart. Au Brésil, les pauvres, majoritairement les Noirs et les métisses, travaillent à la solde des riches Blancs, le plus souvent sans salaire ni reconnaissance. Et paradoxalement, le christianisme des Blancs est historiquement entremêlé aux croyances que portent les Brésiliens noirs, anciens esclaves d’Afrique. Ainsi, même dans les familles riches, les principes chrétiens et les superstitions catimbó cohabitent étrangement.

Heloneida Studart, féministe, militante, a elle-même été emprisonnée pour ses activités littéraires, journalistiques et syndicales. Parce que politique rime avec poésie, ses textes racontent l’engagement de ceux qui luttent pour un monde meilleur.

Roman cruel et superbe à la fois, Le Cantique de Meméia est une galerie extraordinaire de femmes pétries de jalousie et de pouvoir, d’amour et de haine, de peur et de destins inéluctables. Chez Heloneida Studart, on entre directement dans l’enchevêtrement d’histoires personnelles et passionnelles, sans descriptions de lieux ou de paysages. En deux phrases seulement, elle a l’art de cerner toute la dimension du malheur et l’étroitesse du destin de ses personnages, et le résultat est juste fascinant.

Un dernier mot, s’il faut encore vous convaincre : l’éditeur canadien Les Allusifs (dont on peut souligner la qualité des livres, du papier et de la mise en page, et déplorer la faillite en 2012) la compare à Simone de Beauvoir.

L'article entier sur Bibliolingus :
http://www.bibliolingus.fr/le-cantique-de-memeia-heloneida-studart-a112951476
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le 25 oct. 2014

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