Cet ouvrage fait partie des recommandations les plus élémentaires pour toute personne souhaitant être plus au clair avec la société dans laquelle elle ou il vit. Les questions qu'il pose et les outils utilisés pour y répondre sont centraux dans nos rapports humains. Comment se passer de sociologie, d'histoire, de philosophie et donc de politique ? Comment ne pas s'intéresser aux constructions sociales, notamment celles qui régissent les rapports entre femmes et hommes ? Et enfin, comment ne pas s'intéresser aux inégalités qui ravagent ce monde ?


Il s'agit donc d'un livre d'utilité publique, qui interrogent sur des sujets majeurs, qui nous touchent toutes et tous, qu'on le veuille ou non.


De plus, le propos est plutôt limpide et le livre très agréable à lire. Il nécessité quelques bases dans des disciplines telles que la sociologie et les mathématiques, mais rien de très effrayant il me semble.


L'articulation entre les différentes disciplines est un autre point fort du livre. Si j'ai été bien plus sensible aux rhétoriques d'ordre socio-politique, je conçois bien l'intérêt d'arguments chiffrés dans le but de convaincre les adeptes des sciences dites dures.


Cela étant, quelques défauts subsistent. Bien que l'autrice cite de nombreuses sources pour appuyer ses dires, certains éléments semblent parfois relevés de l'opinion non sourcée, comme par exemple le fait que les garçons seraient moins discriminés à l'école que les petites filles. J'ai pu me tromper mais je n'ai pas vraiment compris sur quoi s'appuyait cet énoncé.


Un autre point, bien plus important, me dérange. En centrant son approche sur la dimension "coût", Mme Peytavin rentre dans une sorte de justification économiciste de la lutte contre la virilité et des inégalités femmes-hommes. Si je ne doute pas que certain.e.s soient sensibles à cette vision, et qu'elle permette donc de convaincre les plus sceptiques, j'y vois une forme d'abandon.


En effet, n'est-il pas regrettable de devoir parler de dette publique pour toucher le palpitant-calculatrice des conservateurs ? Si les arguments chiffrés ont toutes leur place, je crains que cette concession à la pensée libérale ne concentre trop l'attention, et nécessite de devoir justifier par le déséquilibre économique ce qui peut parfois relever de la subjective mais primordiale éthique.


Le risque étant, dans ce cas, de voir des personnes rétorquer que tel comportement viril est, au contraire, favorable au PIB. C'est absurde et je ne pense pas que l'autrice souhaitait en venir là. Pour autant, c'est le revers de la médaille de ce travers économiciste.


J'ai bien perçu que Mme Peytavin parlait de "côut" de façon polysémique puisqu'elle évoque également le "coût humain". Néanmoins, la focale économique, et l'entrée par la dette publique me semble une concession malvenue aux schémas de pensée (néo)libéraux.


Une dernière chose, moins structurelle, m'a perturbé. Au moment d'évoquer les dégâts matériels et humains lors des mouvements sociaux, l'autrice cite le cas des violences commises par les Gilets Jaunes, mais aucune mention n'est faite de celles commises par l'État via sa police. Je ne demande pas forcément que soit invisibilisé la violence des Gilets Jaunes, mais ce point me chagrine quelque peu tant il y a dire sur ce sujet.


Ces remarques négatives prennent beaucoup de place pour une note si élevée mais je me suis permis de développer ce qui posait problème plutôt que de m'épancher sur les bienfaits liées à l'évocation des questions aussi cruciales que celles de l'éducation et de la construction sociale de nos identités individuelles et collectives.


C'est donc un livre que je recommande fortement, notamment pour des personnes éloignées de ces réalités, en prenant en compte ses défauts pour en retirer ce qu'il apporte de notable : une réflexion argumentée sur la construction des hommes et ce qu'il convient de modifier pour celles de nos garçons.


Evan-Risch
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le 27 mars 2023

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Evan Risch

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