Tout a un sens, le moindre mot, et il peut varier en fonction du style, de l'état de la langue, qui est moins qu'un matériau, mais un horizon, un objectif : elle est un objet vivant auquel on offre l'usage qu'on veut.
C'est la thèse que Roland Barthes développe dans ce court essai qu'est le Degré zéro de l'écriture, comme dans les brefs "essais critiques" qui le suivent dans ce volume, plus sectorisé en ce qu'ils sont centrés sur des auteurs, voire des oeuvres, comme Flaubert, Proust, et la Vie de Rancé par Chateaubriant, notamment.
Avant l'écriture de l'époque classique du roman qu'est le XIXème siècle, la langue française n'était pas totalement arrêtée, et apparaissait formellement fluide. L'écriture bourgeoise du grand siècle romanesque la fige, impose un cadre qui s'avère presque devenir une chape de plomb. Flaubert essaie de le dynamiter. De leur côté, les écrivains naturalistes, pour s'en défaire, utilisent un non-style, par une écriture descriptive, dénuée d'images et effets. C'est ce qu'emploient Zola, Maupassant et Daudet, et qu'emprunte de nouveau Camus, de manière spectaculaire dans L'Etranger.


Barthes réfute cette écriture bourgeoise qui semble, d'après ce qu'il en exprime, générer un ennui profond par une certaine uniformité, ce qu'illustre notamment l'emploi du passé simple.


Ces essais courts offrent la possibilité de prendre du recul sur la langue de la littérature, voire, plus généralement, de l'écrit. Son mode d'expression est un tantinet affecté, mais l'exposé apparaît très clair. Il fait réfléchir, et nécessite d'être mature pour en profiter pleinement. Je m'apprête à le relire.

Créée

le 21 sept. 2018

Critique lue 240 fois

Critique lue 240 fois

D'autres avis sur Le Degré zéro de l'écriture

Le Degré zéro de l'écriture
reno
5

Critique de Le Degré zéro de l'écriture par reno

Découvrant dans la forme littéraire, en plus de la langue et du style, un autre terme : l'écriture, comme « un ensemble de signes », Barthes s'autorise donc de la sémiologie pour aborder la critique...

Par

le 19 févr. 2011

13 j'aime

7

Le Degré zéro de l'écriture
jpreat2000
1

Le degré dix-mille de l'ennui !

Les Chinois ont leurs célèbres supplices, les Français ont Roland Barthes. "Regardez comme je suis malin, comme j'écris des trucs intelligents." De la pure masturbation intellectuelle. Barthes a du...

le 1 juin 2016

6 j'aime

1

Le Degré zéro de l'écriture
Vernon79
8

Stylé comme jamais

Je n'ai pas lu ce livre, ça fait toujours bien pour commencer une critique. Non je voulais parler (encore) de l'ouvrage Roland Barthes par Roland Barthes, dont j'ai déjà parlé dans une critique sur...

le 28 oct. 2018

3 j'aime

21

Du même critique

Conte d'été
AlexandreKatenidis
9

Un beau tiraillement amoureux

Gaspard, jeune homme ténébreux, arrive à Dinard, pour passer des vacances dans une maison prêtée par un ami, où doit le rejoindre Léna, sa petite amie. Il fait tout de suite la connaissance de...

le 18 juin 2018

7 j'aime

Vivre avec nos morts
AlexandreKatenidis
9

Comment vivre son deuil

Cette ministre du culte retrace son expérience dans l'accompagnement des familles en deuil. Pour cela, elle énonce les questions formulées de manière inéluctable dans ce cas, les blocages et les...

le 15 juil. 2021

6 j'aime

Alias Caracalla : Mémoires, 1940-1943
AlexandreKatenidis
9

Un monarchiste rentré en Résistance - Prix Renaudot 2009

Ce jeune monarchiste maurrassien, apprenti journaliste, est abattu par l'armistice signé par Pétain et rentre en Résistance. L'entrée en matière a de quoi faire frémir. Cet extrêmiste, porté par son...

le 20 sept. 2018

6 j'aime

2