Barthes, le monde entier en parle et moi je n'avais pas lu, attaquons-nous au monstre.

Barthes chante. Mélodie incroyablement agréable, attirante, et quand on a lu une introduction, courte, nette, qui pose clairement les bases nécessaire à la suite de la lecture, on ne peut qu'être curieux de savoir où tout cela va nous mener. L'histoire de la littérature, l'Histoire, on se dirige bien par là, on dirait, mais pas seulement, ne nous méprenons pas. Barthes chante bien, et il sait vous convaincre de rester l'écouter. Barthes il sait faire des accroches, rien n'est plus sûr.
Barthes chante des mélodies que l'on peut siffler après lui, parce qu'elles sont entêtantes, parce qu'il nous les expose de façon excessivement claire et efficace. Quand on demande "Qu'est ce que la littérature ?", lui prend le temps de définir les termes, un à un, prend la précaution de ne pas vous perdre. Moi j'en ai marre des gens qui vous expliquent ce que c'est que la poésie en utilisant des expressions encore plus sombres et mystérieuses, qui ne font que rendre encore plus floue votre compréhension première des problèmes littéraires. Barthes utilise des exemples clairs, évidents, il prend les choses dans l'ordre, et lorsqu'il parle de modernité, il ne vous laisse pas le choix, ce n'est pas à vous d'essayer de définir une date, on vous dit Flaubert.

Textes alors aisés à lire, pris par chapitres courts et bien distincts, quoique dans une continuité, aux thématiques clairement marquées. Si on n'est pas d'accord avec les définitions posées par Barthes (ce qui se comprend tout à fait, mais moi je ne vais pas ici essayer de le contredire, j'pas que ça à faire, j'pas les capacités, et puis Reno l'a déjà fait dans sa critique, allez la lire.), on peut du moins avouer que la lecture est agréable, que c'est toujours jouissif, ces petits morceaux d'exemples, ces détails. On regarde Flaubert de près, sur quelques lignes, on le laisse pour se moquer de Garaudy, on discute de l'importance de la troisième personne et du passé simple et d'autres détails auxquels on ne se serait pas intéressé (je ne me serais pas intéressée ?) sans cela.
Si l'on n'est toujours pas convaincu, on peut se dire que Barthes a l'avantage de poser une histoire littéraire claire, temps classiques, modernes, du meurtre de Mallarmé à l'écriture blanche, de l'absence, au degré zéro de l'écriture, bien sûr incarné par Camus, et d'expliquer assez nettement les raisons de cette évolution, en laissant entendre toujours sous la ligne de l'histoire littéraire un autre son, celui de l'Histoire, de la société.

On arrive alors à ce degré zéro de l'écriture, finalement impossible. S'il y a vraiment écriture blanche, c'est que la littérature est vaincue, que la problématique humaine est découverte. Mais les automatismes s'élaborent là où était la liberté : la société fait de l'écriture amodale une manière de l'écrivain et le renvoie prisonnier de ses propres mythes formels. Alors, l'écriture moderne, c'est l'impasse ?
"Le langage littéraire ne se soutient que pour mieux chanter sa nécessité de mourir"
clairemouais
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le 20 mars 2014

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clairemouais

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