Le Dîner
6.5
Le Dîner

livre de Herman Koch (2009)

J'ai aimé le style de Koch, comment il faisait parler les émotions de son personnage principal à travers des détails de la vie de tous les jours. Le fait que sa femme lui cède sa place habituelle au restaurant, avec tous les non-dits qu'il y a derrière et qu'on comprendra plus tard. J'aime qu'on nous donne des informations minutieuses, et qui paraissent anodines, mais qui au fur et à mesure des pages, prennent leur sens et font parti d'un tout.

Dès les premières pages, la voix et le regard du personnage principal est cinglant, acéré, bouffé d'une colère contenu, de frustrations. Et ça se joue dans tout ce qu'il fait. Le poids du quotidien et tout un passé qui ressurgit au moindre faits et gestes. Comme de choisir un plat différent de ceux pris par les autres convives, vouloir se démarquer. Comme de détester voir les faux semblants de son frère, qui en fait, dénote surtout d'un éloignement entre eux. Le fait qu'ils ne se comprennent plus. Qu'ils sont loin l'un de l'autre. Parce que l'un s'est mis à l’œnologie et l'autre l'a toujours connu buvant des litres de coca.

Dans tous ces micro détails, Koch dévoile, dénonce, et décortique, l'incommunicabilité, la tristesse, la colère, le calcul, les apparences.

Un livre qui me fait penser, du coup, à tous ceux qui traitent de ce thème d'être et de paraître. Avec cette violence contenue quand il y a une trop pesante différence entre les deux (comme dans American Psycho, Fight Club, Karoo).

Le dîner se lit, du coup, tout seul, très facilement. Si on ne se méfie pas, on ne voit même pas trop venir le problème que ces 4 personnes dînant sont venus résoudre. Koch fait des tours et des détours.

J'ai aimé l'importance donné aux regards, aux sourires, aux yeux qui brillent, aux phrases et aux silences. Pendant tout le long de la lecture, je me figurais parfaitement la situation, et l'étouffement qu'elle engendrait. A apprécier les sorties à l'extérieur, à me dire, là, il va s'échapper. Mais il ne s'échappe pas. Jusqu'au bout, on reste dans ce huis clos de L'enfer c'est les autres.
J'étais avec eux, à voir Serge se baffrer dans son appétit vorace et égoïste, à voir Babette toute fébrile et silencieuse, soumise, écrasée par son mari, à voir Claire, intelligente, compréhensive et protectrice et le frère/narrateur, nerveux, tendu, aigri, et méfiant.

Il y a du rire grinçant, aussi, dans ce livre. Des situations où le ridicule n'est pas loin, parce que lorsque tout pèse, on peut faire une montagne d'un rien.

Ensuite, l'histoire en elle-même, sur la violence qui explose, la violence qu'on pourrait dire gratuite, et qui est surtout un reflet de ce qui arrive de plus en plus et tous les jours dans ce monde où rien ne va "facilement", j'ai trouvé qu'il collait très bien avec l'ambiance générale du livre, même si pour moi, il n'aurait pu s'agir que du Dîner et rien d'autre. Ce que j'apprécie tout de même, c'est que ce sujet délicat est traité sous un tel angle qu'il devient un véritable souci individuel et non un phénomène social. Ouf.

Bref, j'ai trouvé que c'était un très bon livre. Je pense qu'il m'en restera des traces, une atmosphère, un regard. Peut-être pas le coup de cœur de génie incontournable, mais une écriture qui se pose légèrement différemment de d'habitude, très intériorisée et psychologique, mais de façon hypra réaliste, concise et pernicieuse, pas dans des logorrhées argumentées, sur 10 pages, et qui s'étale à n'en plus finir, dans des questionnements presque métaphysiques.
Queenie
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le 22 juil. 2013

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