Avec “Le Grand Coeur”, Jean-Christophe Rufin - auteur que j’adore lire – nous offre un mélange tout particulier de biographie, de roman d’aventure, et de confessions.
Rufin nous amène à pénétrer dans l’initmité profonde de Jacques Cœur, personnage que je ne connaissais que comme un financier froid, sans cœur, et qui est devenu « plus riche que le Roi de France ». J’ai appris énormément de choses sur sa vie, mouvementée, sur son rôle dans le grand tournant qu’est la Renaissance, au moment où la France détourne ses yeux de « l’Anglais » pour se tourner vers l’Orient, la Méditerannée, et l’Italie. Le contexte historique est dépeint avec précision, la rencontre avec les personnages est à la fois instructive et étonnante, et j’ai appris beaucoup de choses sur les échanges, le commerce, la chute progressive de la chevalerie « à l’ancienne », la politique d’une époque qui fait suite à l’interminable guerre de Cent ans, tout étant intimement lié.
Le tout est à la première personne, et rend le récit très vivant, car on a l’impression « d’y être », d’entrer dans les pensées de ce personnage complexe qu’était Jacques Cœur, ce « self made man » qui aura amassé de l’argent sans même s’en rendre compte, qui se sera brûlé les ailes en politiques, qui aura trahi les siens de différentes manières, alors qu’il n’aspirait qu’à une existence tranquille faite de solitude et de rêverie (du moins est-ce la vision de Rufin).
L’architecture du roman est subtile, mêlant le présent (Jacques Cœur, attendant la mort sur l’île de Chio, et qui décide d’entreprendre la rédaction de ses mémoires), son passé lointain et son histoire à partir du moment où il a commencé à prendre son envol. On rencontre avec Jacques des personnages fascinants, à commencer par Charles VII, le Roi victorieux, ambigu, tourmenté, faussement faible et terriblement calculateur. La première rencontre entre les deux personnages est un petit bijou de littérature. La tension, l’atmosphère sont admirablement retranscrites. On découvre Agnès Sorel, le grand Amour de Jacques, qui était aussi la maîtresse du Roi. J’ai senti, à chaque évocation du roi de France ou d’Agnès Sorel que les portrait de Charles et d’Agnès faits par Jean Fouquet, trônaient en bonne position sur le bureau de J.C Rufin, qui a su au travers de ces oeuvres dépeindre le caractère complexe de ces deux personnages. Puis on assiste à se disgrâce, à son procès, à sa fuite et à ses nombreuses remises en question…

Ce roman m’a véritablement transporté dans une époque lointaine et que je connaissais relativement peu, mais a aussi eu la force de me faire réfléchir sur la situation contemporaine, car au fond, Jacques Cœur a participé à une première phase de mondialisation, à un moment où les relations avec l’Orient (et la Turquie en particulier) était extrêmement tendues : tout cela a des résonnances toutes particulières aujourd’hui.
caiuspupus
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le 7 févr. 2014

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