Je mets l'ensemble de la critique en spoilers, car j'y dévoile certains éléments de l'intrigue, même si c'est de manière très vague.


Troisième et dernier tome de la (première) trilogie Fils-des-Brumes, le Héros des Siècles offre une conclusion en apothéose. Le monde est encore plus à l'agonie que dans les tomes précédents (oui c'était possible) après que Vin ait libéré par erreur la créature enfermée dans le Puits de l'Asciension. Nos héros doivent faire face à ce qui semble être une menace divine, capable de surcroit de modifier la réalité et d'influer sur le comportement des protagonistes... Autant dire que la tâche n'est pas aisée.


Sanderson continue dans ce tome son travail thématique autour des structures de pouvoir et des questionnements existentiels de ses personnages, qui se retrouvent malgré eux dans les bottes de ce qu'ils ont aidé à combattre dans les deux premiers tomes : celle du Seigneur Maître. D'autres systèmes sont présentés et analysés : une continuation de l'Empire Ultime via un roi obligateur et un régime communiste. La première partie du roman semble maladroite à ce sujet, au point d'imaginer Sanderson comme un réactionnaire de droite anti-communiste, mais c'est sans compter sur les développements qui suivront. En effet le point focal du Héros des Siècles n'est pas tant la politique que la religion : la plupart des personnages, principaux et secondaires, sont confrontés à leur foi (ou son absence). On trouve d'un côté une religion mise à mal par le décès de son Dieu, et de l'autre une religion naissante autour d'un personnage que l'on connaît bien et qui lui n'avait rien d'un Dieu (sacré Kelsier). On trouve des personnages suivant leur foi aveuglément, quitte à interpréter de travers, et d'autres en plein de doute. Le personnage de Sazed, en pleine crise de nihilisme, est notamment d'une justesse remarquable, tant ses questionnements semblent vrais, surtout pour un lecteur athé. Cependant, dans cet univers, les Dieux sont bien réels et toutes les réponses seront apportées.


En effet, l'auteur redistribue les cartes et apporte des éclaircissements sur l'ensemble du récit : beaucoup de choses ne sont pas être ce qu'elles semblaient être, et des détails qui paraissent insignifiants sont en réalité les clés de l'intrigue. Sanderson parvient à apporter toutes les réponses d'une manière au combien satisfaisante, grâce à une parfaite maîtrise de son récit. Il parvient à semer suffisamment d'indices et de rappels pour que le lecteur comprenne certains éléments de l'intrigue, sans avoir à les expliciter directement. C'est fort, très très fort.


Et que dire du dernier acte de ce tome, qui propose un affrontement d'une dimension cosmique entre entités divines. On se croirait presque à la fin d'un JRPG. Sanderson sait manier le souffle épique et proposer des images marquantes. La tension est à son comble jusque dans les dernières pages du récit, où l'auteur se paye même le luxe d'un dernier retournement de situation, qui sera suivi par une des plus belles séquences de la trilogie : la renaissance d'un monde. Sanderson livre ici une certaine vision de l'Apocalypse.


Ainsi, quel bilan tirer de cette trilogie, qui est mon premier contact avec Brandon Sanderson et le Cosmere ? C'est tout simplement excellent, et ça donne vraiment envie de découvrir les autres cycles et notamment les archives de Roshar. Sanderson n'est clairement pas la meilleure plume en fantasy : son style est efficace bien qu'un peu pauvre, mais il est un excellent conteur. Aucun aspect du récit n'est négligé. Les personnages, mêmes secondaires, auront eu droit à leur développement durant la trilogie. Chaque tome est thématiquement riche et l'intrigue, on l'a vu, est conçue de sorte à apporter une immense satisfaction au lecteur. Mais là où Sanderson brille, c'est dans la construction de son univers : tout a un sens, rien n'est laissé au hasard. Il est un architecte, obsédé par la création, et on ne peut que comprendre l'aspect religieux de son récit et de ses personnages, eux même confrontés à un monde auquel ils essaient de donner du sens. Sanderson est le Dieu qui donne vie à ses personnages, qui croient en lui en retour. Autre partie intégrante de la construction d'univers : le système de magie, que l'auteur qualifie de "dur", car il est codifié par des règles auxquelles les personnages sont obligées de se soumettre. Il est tellement original et participe grandement à donner satisfaction au lecteur.


Jusqu'ici, l'ensemble du travail de Sanderson est donc, à défaut d'être exceptionnel sur chacun des aspects du récit, solide en tout point, et très complet. Il n'est pas sans évoquer d'autres récits forts, parvenant à lier construction d'univers, personnages et thématiques de manière satisfaisante, notamment en animation, tels qu'Avatar le Dernier Maître de l'Air, Full Metal Alchemist ou l'Attaque des Titans. J'y ressent une manière commune d'envisager la fantasy et la manière dont on peut raconter une histoire dans des univers totalement fictifs

FloSnow
8
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le 5 déc. 2020

Critique lue 124 fois

FloSnow

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