La littérature espagnole n’en aura pas fini de sitôt avec l’histoire de la guerre civile et du franquisme. Un souci de vérité et de résilience dans ces chroniques des années sombres mais aussi un vivier incroyable d’intrigues poignantes. Au nombre des romanciers qui se sont illustrés pour dépeindre cette longue période dont l’Espagne est aujourd’hui héritière figurent des talents aussi incontestables qu’Almudena Grandes, Eduardo Mendoza ou Javier Cercas. Et Carlos Ruiz-Zafon, peut-être pas le meilleur styliste de tous (Cercas est imbattable), pas le plus réaliste (Grandes) ni le plus loufoque (Mendoza) mais certainement le plus baroque, le plus gothique, le plus architectural, etc. Quand L’ombre du vent apparut en 2004 sur les étals des libraires et connut le succès que l’on sait, combien de lecteurs se sont dit : « impossible que l’auteur fasse mieux dans l’avenir. Si tant est qu’il puisse faire aussi bien » ? L’avenir a plutôt confirmé ce présage car aucun de ses livres suivants n’a atteint de telles hauteurs de romanesque effréné. Le labyrinthe des esprits approche cependant le niveau de son chef d’œuvre avec son architecture arachnéenne, son caractère fantasmagorique, ses rebondissements à tire-larigot … On pourrait écrire des pages et des pages pour essayer de résumer les multiples intrigues du livre mais à quoi bon, mieux vaut ne pas trop en dévoiler et laisser le futur lecteur découvrir les mystères et les ombres d’un récit digne des plus grands feuilletonistes du XXIe siècle, à commencer par Sue et Dumas. Trois aspects majeurs, malgré tout, sont à relever. Primo, la plongée dans une ville étonnante, aussi torturée que La Sagrada Familia, Barcelone, splendide et misérable, réelle et fantasmée, celle que ne connaîtront jamais les hordes de touristes qui la visitent aujourd’hui. Secundo, le portrait d’une héroïne, Alicia, qui ferait passer les femmes fatales des films noirs hollywoodiens, pour des Bécassines. Alicia, vénéneuse et vulnérable, fleur qui s’épanouit dans les remugles d’une époque au parfum délétère, dans un monde machiste où elle n’a d’autre choix que de montrer les dents et de cacher son cœur. L’hommage à la littérature, enfin, qui transpire dans tous les romans de Ruiz-Zafon et qui submerge ici toutes les autres considérations.

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le 6 août 2018

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