"Amours de nos mères, à nuls autres pareils."

Je lisais "Nous devons parler de Kevin" de Lionel Shriver, roman épistolaire composé de lettres d'une mère à son ancien mari, à propos de leur fils Kévin, assassin de plusieurs personnes dans son lycée. Son fils qui l'a toujours détesté, qui l'a plongée dans la honte, qui a ruiné sa vie.

Et puis j'ai eu envie de relire Le Livre de ma Mère. Cet hommage bouleversant à la mère disparue, à la mère aimée et regrettée. Ce cri de douleur effarant, cette évocation de lourds remords; c'était exactement ce qu'il me fallait pour contrer le dégoût de la maternité qui commençait à poindre.

Le Livre de ma Mère est avant tout libérateur. Libérateur pour l'auteur, qui en couchant sa peine sur papier commence à faire son deuil et met des mots sur sa douleur d'orphelin. Libérateur pour l'empathique lecteur, qui partageant sa douleur voit sous un nouveau jour ses relations avec ses parents.

Car Le Livre de ma Mère est une remise en question de notre relation avec notre mère, de notre égoïsme, de notre insolence, de notre indifférence. Il met en avant la fragilité de la figure parentale, que nous plaçons trop souvent sur un piédestal. Nous voyons notre mère comme un roc, immuable, aimante, généreuse et tolérante ; pour Albert Cohen, c'est la mort de sa mère qui lui a permis de réaliser ô combien il avait surestimé, puis dédaigné sa mère, sans s'en rendre compte, presque innocemment.

Le Livre de ma Mère se lit d'une traite. On ne peut s'en défaire. Emportée par la simplicité désarmante de l'écriture d'Albert Cohen, j'ai été bousculée par sa douleur, par ses regrets. Son ouvrage est fulgurant, nostalgique, et pourtant le fruit d'un long combat avec lui même. L'auteur relate en effet sa difficulté à poser des mots sur ses émotions, sur ce qu'il vivait,

A la lecture de son ouvrage, j'ai été happée, imprégnée de sa douleur, de son amour, de ses regrets. Par cette œuvre au demeurant très personnelle, Albert Cohen réussit l'exploit d'évoquer toutes les mères en parlant de sa petite maman, et place ainsi son hommage au rang de chef d'œuvre de la Littérature.
Pukhet
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le 28 déc. 2011

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