Gunnar Huttunen est meunier. Arrivé du sud du pays, il a acheté un moulin en ruine qu’il a restauré avec courage et savoir-faire. Un hercule, dur au travail, besogneux et habile de ses mains, tel est le nouvel arrivant.
L’homme est sympathique bien qu’un peu haut en couleur. Quand l’excitation le prend, que ses nerfs sont soumis à une épreuve sortant de l’ordinaire (que l’épreuve soit gaie ou rude) il éprouve le besoin de hurler. Hurler si fort que les chiens se joignent à lui en un concert assourdissant qui tient tout le village éveillé jusqu’au petit matin. Son habitude de singer les animaux de la taïga le marginalise encore davantage. On le traite avec une certaine condescendance : un homme pas tout à fait comme nous autres, n’est-ce pas ?
Bientôt, les relations s’enveniment. Ces hurlements deviennent pénibles. Ferme-la Gunnar ! Tu es bien gentil, mais laisse nous dormir en paix (ou bien il t’en coûtera). Le meunier promis, mais chassez le naturel, il reviendra au galop. Désormais prévenu contre lui, les habitants du village prirent ombrage de son indépendance qu’ils prirent pour du dédain, du mépris. Cet homme qui n’était même pas d’ici pouvait-il n’en faire qu’à sa tête sans tenir compte des convenances, des us et des coutumes ?
Seuls le gardien de la paix Portimo et la conseillère horticole Sanelma Käyrämö – sa petite amie – lui restèrent fidèles. Tous les autres n’eurent bientôt plus d’autre idée que d’envoyer le meunier à l’asile psychiatrique d’Oulu, plus au sud sur le Golfe de Botnie.
A la lecture des aventures de Gunnar, on s’aperçoit rapidement que le meunier n’est pas le plus fou de la bande. La plupart des personnages trainent leurs lots de bizarreries, de marottes et autres comportements loufoques, aberrants voire névrotiques. Et ce sont les médecins qui semblent les plus atteints. Tous fous, mais de différentes manières. Et le tort du meunier hurlant est d’être original dans ses atteintes.
Un conte nordique empreint d’une grande sensibilité. Des personnages attachants ou repoussants mais toujours parfaitement campés par l’auteur qui mêle habilement une certaine outrance humoristique à sa recette. La sauce prend immédiatement : le lecteur plonge avec volupté au cœur de cette forêt de Laponie, ces rivières poissonneuses, cette nature sauvage et glacée au-dessus de laquelle le soleil estival brille près de 24 heures par jour.
Un nouveau très bon moment de lecture.
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le 21 janv. 2014

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