Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le
suicide.



L'incipit est lapidaire, violent même, mais introduit parfaitement le reste de cet essai philosophique. Et puis on ne peut pas dire que l'on n'ait pas l’habitude avec Camus puisqu'il nous avait déjà fait le coup de la phrase choc dans L’Étranger avec le fameux



Aujourd'hui ma mère est morte.



Partant de ce postulat l'auteur cherche à analyser le suicide et en vient vite à la question de l'utilité ou non de vivre ; du moins juge-t-il que cette question est primordiale dans la question du suicide. Cela le mène naturellement aux notions d'espoir, de divinité, de vie après la mort que Camus ne réfute pas forcément mais juge comme absurdes d'être abordées par l'être humain, car hors de son champ possible de raisonnement. On y verrait presque apparaître la notion d'agnosticisme.
Pas d'espoir mais pas forcément de désespoir. Car si absurde peut sembler connoté négativement, ce n'est pas vraiment le cas pour l'auteur de La Peste qui y voit une libération de l'homme, lui offrant des libertés de création.


C'est d'ailleurs le plan de construction de l'essai que constitue Le mythe de Sisyphe, découpé en trois parties que sont l'explication du raisonnement absurde, son origine et sa nature, puis les exemples d'hommes absurdes tels Don Juan pour finir avec la création absurde (sans objectif d'éternité ou autre conception de ce genre).
C'est court, intense car bien écrit et rempli de sentences qui marquent le lecteur et l'on dévore les pensées d'Albert Camus avec gourmandise tout en faisant travailler son intellect pour bien s'approprier des idées et des concepts il est vrai assez déroutant pour le néophyte.
Certes la deuxième partie pourra sembler un brin trop spécifique, semblant s'éloigner un peu du propos tant elle s'intéresse à un cas individuel ; certes Camus pense tellement vite que tout devient parfois brouillon pour nous pauvres lecteurs qui essayons de repérer dans quelle direction s'échappent les théories contrariantes ou tout du moins déroutantes d'un auteur décidément génial. Mais lorsque l'on parvient à saisir la subtilité du message, la richesse d'un propos qui tourne autour de l'absurde sans jamais en faire trop, sans jamais s'appesantir de la moindre lourdeur, on apprécie d'autant plus que Camus fasse de la philosophie et que cela reste aussi lisible et fluide qu'un roman traditionnel.


On ne peut qu'être conquis par l'originalité de la démarche de Camus mise en valeur par la grâce d'un style qui prend en plus pour appui de ses idées des auteurs comme Kafka et Dostoïevski. Tout pour plaire !

ngc111
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le 25 mars 2017

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