Le Solitaire
7.6
Le Solitaire

livre de Eugène Ionesco (1973)

"Comment font tous ces gens qui se promènent dans les rues ou qui courent après leurs autobus ? Si tout le monde se mettait à penser ça ou plutôt à imaginer cela qui est inimaginable, ils ne bougeraient plus du tout. Je m’étais déjà dit : ne pensons pas puisque nous ne pouvons pas penser. Les gens négligent ou oublient l’impensable, c’est à partir de l’impensable qu’ils pensent.." p56


"Hanté par l'infiniment grand, si je me laissais hanter par l'infiniment petit..." p58


"la nausée de la finitude et la nausée de l'infini." p58


"J'avais une méthode pour me tirer de la tristesse ou de la peur, ça ne réussissait pas toujours. La méthode consistait à regarder autour de moi les objets, les personnes, avec la plus grande attention possible. Me fixer sur eux. Regarder très, très attentivement, et tout d'un coup c'était comme si je voyais tout ce monde pour la première fois. Et alors cela devenait incompréhensible et insolite."


"J'étais jeté dans le monde et j'en prenais conscience comme si c'était la première fois.


Je voulais retrouver cette étrangeté du monde qu'il m'arrive parfois d'obtenir. C'est comme si on se trouvait à un spectacle, c'est à dire comme si j'étais à l'écart, distancé, ne prenant plus part, n'étant plus cet acteur ou ce figurant que je suis, que nous sommes d'habitude, par habitude. Entouré par le monde mais pas au monde. Quelques-fois cela accroissait mon angoisse mais le plus souvent cela la faisait disparaître, au contraire.
Plus de jugement involontaire et permanent, car chaque fois il nous semble que cette machine universelle et que ces gens et que ces rues et que ces mouvements sont laids ou beaux, bons ou mauvais, favorables ou défavorables, dangereux ou rassurants. J'arrivais à obtenir une sorte de neutralité morale. Ou une neutralité esthétique. "Ils" n'étaient plus mes semblables, je m'efforçais de ne plus comprendre les paroles que prononçaient les gens dans le restaurant. Ainsi, tout cela n'était que du bruit ou les sons d'une langue étrangère." p66


"D'habitude on est pas seul dans la solitude. On emporte le reste avec soi. On est isolé, l'isolement n'est pas la solitude absolue, qui est cosmique, l'autre solitude, la petite solitude n'est que sociale. Dans la solitude absolue il n'y a plus rien d'autre." p67


"Je regardai le plus fixement, le plus attentivement possible, une tache de vin rouge sur la nappe. J'avais déjà fait cette expérience avec succès. Et il s'agissait de regarder ce quelque chose jusqu'à ne plus savoir ce qu'il était." p 68


"Je pouvais tirer ainsi pas beaucoup, mais tout de même un peu, de ces espace-ci dans une autre chose indéfinissable analogue à un espace d'ailleurs." p68


"Le plus souvent, il y avait une sorte de halo lumineux. Et quand l'ailleurs s'en allait, je gardais longtemps, des jours, le souvenir d'un monde de la lumière". p69


https://fr.wikipedia.org/wiki/Dim%C3%A9thyltryptamine


"Je ne suis plus sûr que cela soit vrai. Tout avait retrouvé son identité, toutes les choses pouvaient s'appeler par leur nom". p70


https://www.youtube.com/watch?v=31BkgTRVv0M


"J'eus l'idée de reprendre un peu de cognac. Mais je pensai au lendemain matin, à la nausée possible, à la gueule de bois. Enfin on va voir comment ça s'organise, me dis-je. C'est peu mais ça présente quand même de l'intérêt. La vie est surprenante, un tas de choses inattendues peuvent vous arriver." p73


"Je n'ai fait que deux ou trois fois, je crois, des rêves bleus. Des rêves que l'on regrette de ne pas se rappeler et de ne pouvoir saisir à l'aube, quand on ne peut plus toucher que des ombres fuyantes qui s'éteignent dans la clarté du jour. Et toute notre vie s'en va en lambeaux." p74


"Nous sommes agis, nous n'agissons pas." p76


https://scontent-mrs1-1.xx.fbcdn.net/v/t31.0-8/30073251_10156246535751192_4359223170391119546_o.jpg?_nc_cat=102&_nc_ht=scontent-mrs1-1.xx&oh=fbaac470451ce7d99d76b2cdb7a15bc8&oe=5D494CE3


"L'ennui est pire que l'angoisse, c'est même le contraire, quand on est angoissé, on ne s'ennuie plus; je passais comme ça de l'ennui à l'angoisse, de l'angoisse à l'ennui." p91


"Ah, mais non, le monde est plein d'intérêt, plein d'intérêt. On n'a qu'à regarder. Il y a des gens à qui il suffit de regarder des arbres, de se promener. On m'avait conseillé des promenades. Elles étaient plus ennuyeuses que l'ennui, plus tristes que la tristesse." p91


"Regarder attentivement le monde, tout autour ; très attentivement. Le débarrasser de sa "réalité", lutter pour retrouver à chaque moment l'étonnement originel." p91


https://api.stockme.fr/uploads/img/69726bf6a8/small_WP_20160619_10_40_44_Pro.jpg?fbclid=IwAR2SEDBxZ0oTPN530XikVWFRlAhP5BmlQcVq6a0ViNTeWGqgmzA5G1UDTFA


"Ce mal de tête et cette nausée! Il y avait un seul remède : le verre de cognac, plutôt deux verres de cognac." p94


"Il faut tout de même compter avec les gens. Ils existent puisqu'ils m'ennuient quand ils se mêlent de mes affaires. Cela suffit pour que je décroche et que je retombe parmi eux. Ils vous tirent hors de la réalité, ils vous enferment dans la leur. Dans leur façon de voir, plutôt. On adopte leur optique. On s'aperçoit qu'on doit compter avec les autres. Je ne peux pas ne pas tenir compte d'eux, c'est évident, mais je veux compter surtout sur l'ailleurs. C'est l'ailleurs qui est vrai." p99


"Ne pas m'être rendu compte que c'était si beau. C'est si bête." p102-103


"Pourquoi ne sait-on pas rire à temps?" p103


https://www.youtube.com/watch?v=r5cqHcgFTUE


"Que de regrets doit avoir l'homme qui s'en va quand il s'aperçoit que tout fut miracle, les moindres des choses, l'odeur du café le matin (..)" p103


"C'est très désagréable le ciel gris, cela m'angoisse" p104-105


"D'ailleurs tout est intéressant à des degrés divers, c'est entendu". p106


"Et quand je bois le café, c'est tout de même un bon moment. Vous voyez que j'ai de bons moments. Les bons passent vite. Il faudrait trouver le moyen de les approfondir et de les étendre. Il y des sursauts de joie et d'allégresse. Ils retombent aussi vite. Mais s'il y a ces sursauts, s'il y a ces jaillissements, c'est qu'il y a une source inépuisable, il y a une fontaine, il y a peut-être aussi un lac tout neuf entouré par des montagnes blanches aux pentes dorées par le soleil et la lumière d'un paradis intérieur." p110


"Cela veut dire qu'il y a aussi à l'intérieur des poussées favorables, quelque chose comme un combat. Je ne suis pas toujours écrasé, pas toujours englouti." p110


"Qui vit en état de grâce? Ne pas vivre en état de grâce pourtant est inadmissible. Pour moi, il n'y a pas de milieu entre la grâce et la merde." p111


"Ils ne souffrent que dans les cas de grandes catastrophes : la mort des leurs, la guerre, la famine, les maladies. Je dois avouer que cela a pour moi aussi de l'intérêt. C'est peut-être honteux, mais cela me sort de mon engourdissement". p111-112


"Evidemment, répondis-je, vous connaissez ces problèmes; vous avez lu, vous avez du savoir, mais ces questions me secouent, elles sont vivantes pour moi. Pour vous ces problèmes ne sont que de la culture." p113


"Ne pas avoir un soi." p121


"Comment cela pouvait-il tenir encore et pour combien de temps, si le temps était. Il n'y avait peut-être que de l'instantané." p122


"Etes-vous sûre d'exister?" p124


"-Que voudriez-vous qu'il y ait derrière?. C'est ça, c'est tout." p124


"Le cristal est invisible." p126


"Bientôt, il n'y aura plus personne." p127


"J'ai eu du mal à me décider. Mais tu es trop... Trop comme tu es. Je croyais qu'avec moi ta maladie s'arrangerait.
-Quelle maladie?
Elle me montra la tête de ses doigts.
-Enfin, tu me comprends. Je t'aime bien pourtant, je t'aime bien toujours. Je ne pouvais supporter ton silence, ton air, tes yeux de singe effrayé. Et puis, tout a une fin." p 142


"Je me trouvais à la frontière du monde. Devant moi, le trou sans fond de l'incréé." p143


"La rue était toujours là avec les mêmes passants, les mêmes maisons. Je sentis le bras ferme d'un jeune homme. Il existait, j'existait." p143


http://idata.over-blog.com/0/38/87/31/capture15.jpg


"Peut-être que le temps, dans son mouvement, allait se confondre avec l'éternité". p144


"(..) mais je me réveillerai, je retrouverai la réalité de ce qui ne bouge pas derrière ce qui bouge." p144


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"De la fumée, tout cela, des vapeurs, même pas de la fumée, si cela pouvait être au moins de la fumée. Le temps anéantira, dans l'oubli, ces images. Cela n'existait plus, cela n'existait pas. Ce n'était rien. Il n'y avait rien." p145


"Comment est-il possible que ce qui a existé ne soit plus? Où donc cela a-t-il été? Où donc cela qui était a-t-il disparu? Où cela a-t-il été? Où cela s'est-il engouffré? Cela devrait se retrouver, pourtant. Pas même de la poussière. Oui, ce qui fut, si cela fut, cela ne peut s'éteindre. Et cela n'était plus, qu'est ce que cela voulait dire?" p146


"Le passé est une mort sans cadavre." p146


"Comment il se fait que le présent devienne passé? Qu'est ce que le temps?" p147


"Moi non plus, je ne suis pas d'accord avec le monde." p148


"Les gens qui s'agitent, qui agissent, qui déterminent les autres à agir, trouvent là-dedans une évasion, un oubli que pour ma part je trouvais dans l'alcool.". p153


"Moi, j'avais vécu tout le temps dans cette hantise. Depuis le départ de mon amie, lorsque je me réveillais la nuit, j'étais pris d'angoisse : sueurs froides, paniques, j'allais mourir à l'aube. elle n'était plus là, elle, pour me dire : "Couche-toi donc, va", et je me souvins alors qu'il me suffisait d'entendre sa voix ou de la toucher, ou qu'elle me donnât la main, pour que l’angoisse se dissipât." p157


"Est-ce que "je" existe? "Je" était là pourtant entre deux infinis, le grand et le petit. Qu'étais-je? D'une part, un point. D'autre part, un conglomérat de galaxies. Des univers naissaient en moi, s’épanouissaient, se détérioraient., mourraient. J'étais des galaxies, j'étais des milliards de siècles pour des systèmes cosmiques. J'étais des milliards et des milliards de kilomètres pour des êtres que je ne connaissais pas, des milliards d'êtres qui agissaient en moi, qui s'indignaient, qui se révoltaient, qui se combattaient, qui s'aimaient, qui se détestaient. Oui, tout cela était en moi." p189


"J'avais surtout le sentiment d'un manque" p 203


"Il y a toujours eu ce manque. il y a toujours eu ce sentiment que quelque chose me manquait, donc il n'y avait que manque." p204


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le 23 mars 2019

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