J'ai abandonné ce roman au bout de 200 pages, alors qu'il en reste encore 560 devant moi. 200 pages d'une écriture lourde. 200 pages désorganisées. 200 pages où je me suis demandé où l'auteur voulait en venir précisément.
Cette critique n'est que provisoire : peut-être un jour vais-je reprendre le livre et trouverais-je alors la force de le finir.
Le temps où nous chantions raconte une histoire sociale des USA à travers l'histoire d'une famille, essentiellement entre les années 40 et 60 (avec quelques incursions dans le passé lointain, jusqu'au milieu du 19ème siècle). Cette famille, ce sont les Strom. Le père, David, est physicien. La mère, Deliah, donne des cours de chants. Ensemble, ils ont élevé leurs enfants, Jonah, Yoseph et Ruth, en les coupant complètement du monde, dressant autour d'eux une barrière protectrice faite de partitions : toute l'éducation des enfants s'est faite en musique, en chansons surtout. Le but était de les protéger ; il faut dire que les enfants sont issus d'un singulier métissage : David est un juif immigré qui a fui l'Europe hitlérienne, et Deliah est noire. Autant dire que ces enfants représentent toutes les discriminations possibles. Et c'est pour leur éviter ça que les parents les ont coupés du monde.
Mais ils ne pouvaient toujours les garder près d'eux. Vers l'âge de douze ans, les garçons sont partis dans une école de musique de Boston, Jonah d'abord, Yoseph plus tard. Il faut dire que Jonah est doué d'un talent rare, une voix exceptionnelle. Ainsi commence le parcours des enfants, un énorme roman (760 pages en grand format, sûrement avoisinant les 900 en poche) dont Yoseph est un narrateur intermittent.
La narration, justement, est un des éléments qui m'ont posé problème. Une narration lourde, qui insiste sur des détails qu'on est en droit de juger parfaitement inutiles. Certains chapitres ne constituent qu'une seule scène étirée sur de nombreuses pages. Ainsi, le chapitre 4 met 21 pages pour nous dire que beaucoup de monde s'agglutine en attendant un récital en plein air. Le romancier essaie de nous faire comprendre l'enjeu politique de ce concert improvisé, soit. Mais un tel étirement de la scène me paraît exagéré. Et il en va ainsi de nombreux chapitres.
Tant qu'on en est aux choses inutiles, j'ai été gêné par l'impression que le roman cherchait à courir de trop nombreux lièvres en même temps. Que l'histoire d'une famille masque une analyse des évolutions sociales d'un pays, ce n'est pas nouveau et ça peut être une bonne chose. Que l'auteur mette au centre de son roman la musique, transformant le monde en une immense partition, c'est assez judicieux. Mais que vient faire ici la réflexion philosophico-physicienne sur le temps ? A force de voir l'auteur étaler son savoir en matière musicale, en physique, en histoire, etc, on a envie de lui dire une chose : "tu t'éparpilles !". Le roman se délite. Son manque d'unité devient flagrant (je ne cache pas que cette réflexion sur le temps pourrait éventuellement se raccorder au reste du roman dans les nombreuses pages que je n'ai pas lues).
Il est évident que le désordre chronologique (un chapitre dans les années 50, le suivant en 1939, le suivant dans les années 60, puis 1845...) ne favorise pas non plus le sentiment d'unité. Sans parler du changement constant de narrateur (parfois c'est Yoseph, parfois... on ne sait pas qui).
Donc, pour ce que j'en ai lu, un roman lourd et ennuyeux, qui manque de vie.