Le Japon aura résisté longtemps à Nicolas Bouvier.
Son statut d'étranger lui a longtemps collé à la peau dans ce pays. Une calamité pour ce voyageur qui aime se fondre dans l'âme même des peuples.
La mentalité japonaise est en contradiction avec certaines de ses convictions profondes : la négation de l'individualité au profit du collectif, le poids du protocole et de l'étiquette, une recherche de perfection dans les arts dénaturant l'expression, l'absence de poursuite du bonheur individuel et un certain goût des japonais pour une vie difficile...


"Au Japon, l'adulte est perpétuellement en punition. Sa vie doit être kurashii (pénible) et on veille à ce qu'elle le soit."


"Aussi dans un milieu régi par une étiquette impérieuse, il faut trouver des substituts pour exprimer la sympathie ou l'antipathie qui teintent les rapports sociaux. D'où au Japon, l'importance de l'"ambiance" - kimochi - grâce à laquelle la sympathie passe par osmose au-dessus des formes rigides du protocole."


Le ton des premières pages est négatif et critique. On sent que Bouvier a vieilli depuis l'Usage du Monde. Il s'interroge sur sa faculté à comprendre ce peuple d'extrême Orient et, par ricochet, sur ses qualités littéraires, intrinsèquement liées à son don d'observation. Bouvier se fait un peu juge des moeurs japonaise, à l'aune de sa culture occidentale. Cela n'a pas du aider son intégration.
Mais ces cahiers du Japon montrent que Bouvier, a force d'efforts et de persévérance, à apprivoiser cette culture. De critique, Bouvier devient observateur éclairé au fil des années.
En se plongeant dans l'histoire du pays (selon lui une des deux portes d'entrée pour un occidental afin de comprendre l'archipel, avec le langage), il parvient à percer cette carapace de codes et de protocole qu'est la société japonaise.


"Pour ma part, je comprends et partage beaucoup mieux certains rites shintos que certains aspects de la société japonaise d'aujourd'hui. Ce qui prouve que, le temps passant, nous n'avons fait que nous écarter d'une origine commune. Pour se retrouver "à portée de voix" il ne s'agit pas de devenir plus international, mais il s'agit de devenir, de part et d'autres, mieux informé de nos origines et de nos mythes, en un mot mieux informé du sacré."


A travers ce journal, on sent que Nicolas Bouvier s'est usé à capter l'âme nippone, en supportant une certaine solitude et en se brisant lui-même. Ce texte, bien que sa forme soit un peu brouillonne, ne peut que laisser admiratif.

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le 13 juil. 2015

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