On pourrait presque considérer que Le Sous-sol (ou Carnets du sous-sol) est un récit coupé en deux.
Dans la première partie il s'agit d'un narrateur confident, quasiment assis en face de nous, qui déblatère sur sa nature propre, sur l'homme et sur le mal ; dans la deuxième ce même personnage nous raconte une histoire passée, il semble plus loin, la barrière de l'écriture semble s'être dressée, et l'on suit un récit un peu longuet qui touche toutefois à la grâce par moment.

La qualité de la diatribe déclamée par cet homme qui se dit malade est indéniablement à la hauteur de ce que l'on trouvera par la suite dans les plus belles œuvres du maître, comme Les Frères Karamazov ou bien encore Crimes et Châtiments. Plein de fiel mais aussi de lucidité sur lui-même, ses tares et ses souffrances, le narrateur semble produire son argumentation, son discours, sans aucun souffle ni répit ; le lecteur encaisse les phrases chocs et la noirceur de l'ensemble finit de laisser celui-ci désespéré mais admiratif devant telle prestation. Nul doute que les premiers chapitres du Sous-sol seront lus et relus plusieurs fois tant leur force est gigantesque.

Par la suite il faut avouer que la petite histoire racontée par le même homme déçoit un tantinet, la faute à un impact amoindri, sorte de soufflet qui retombe, dû à un rythme moins maîtrisé et à des longueurs quelque peu lassantes. On pense à la séquence du restaurant où le but est évidemment de nous faire ressentir la colère bouillonnante de notre misanthrope, sa violence intérieure lache quoi qu’explicite et apparente ; le tout s'éternise un peu trop et il faut avouer que l'on est soulagé quand le narrateur passe à autre chose.
La suite est sa rencontre et surtout son dialogue avec une fille de joie, mélange de sadisme et de ton protecteur qui fascine autant qu'il effraie. On retrouve à nouveau les discours passionnants et happant et l'on termine ensuite sur une bonne impression.

Et comme la dernière impression est toujours la bonne...
ngc111
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le 18 mars 2013

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ngc111

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