On ne se lance pas dans une petite entreprise en abordant ce livre. Il faut donner de soi, mettre en jeu sa concentration et sa mémoire, parfois peut-être, souffrir un peu. Mais pour ceux qui en auraient le courage, vous serez payés de votre persévérance : vous n'aurez pas lu un simple roman, vous aurez vécu une expérience... pas loin d'une révélation mystique !
Bien... cette promesse mérite maintenant une explication :

Le livre débute et se termine par l'histoire Juan García Madero, jeune homme venant grossir les rangs du réalisme viscéral, mouvement poétique imaginé par Bolaño. Arrivé depuis peu à Mexico, le jeune homme fait notamment la connaissance de deux figures charismatiques : Arturo Belano et Ulises Lima, poètes autoproclamés.
Sur les 930 pages que contient l'édition folio de ce roman, ces deux parties à la forme très classique - un récit à la première personne - représentent moins d'un tiers du total.

La part la plus importante du roman, celle qui frise le génie, raconte l'histoire d'Arturo et d'Ulises à travers les témoignages de ceux qu'ils croisent durant vingt ans d'errements, de l'Amérique du sud à l'Europe.
Le nombre de narrateurs dépasse ainsi les cinquante ; tous apportent une petite touche source d'une information, ou plutôt, d'une impression supplémentaire s'ajoutant au tableau en cours d'exécution. Petit à petit, la personnalité des deux protagonistes se dévoile. Les témoins sont parfois des amis des deux poètes, d'autres fois ils n'ont rencontré l'un ou l'autre qu'une fois dans leur vie. Chaque témoin apporte ainsi un élément différent, une manière particulière de comprendre le caractère d'Arturo ou d'Ulises.

Au fil de la lecture, un puzzle en trois dimensions se matérialise, une sphère pour vous donner mon sentiment, dont les trous se comblent au fur et à mesure de façon aléatoire. Le résultat n'est pas quantifiable... simplement, de pages en pages, les deux personnages prennent corps dans toute leur complexité.
Et lorsque les yeux du lecteur parcourent la dernière page, celui-ci se dit que les motivations d'un homme, son parcours, sa vie, ne peuvent jamais être parfaitement compris, quand bien même on interrogerait tous ceux qui eurent l'occasion de le croiser. La sphère n'est jamais parfaitement reconstituée, nous loupons toujours quelques pièces du puzzle : l'homme reste une énigme.
Il est impossible de dire que l'on a connu quelqu'un, en somme, car un individu est trop complexe pour être appréhendé globalement.
BenB
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le 22 avr. 2011

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BenB

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