Colombe Schneck est née à Paris en 1966. Elle est diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire d'une maîtrise de Droit public. Elle a été journaliste à Arrêt sur images de 1995 à 1999, l'émission de décryptage des médias de Daniel Schneidermann, avant de rejoindre en 2000 le groupe Canal+ et plus particulièrement i>Télé, où elle a animé i>media de 2001 à 2007. De septembre 2006 à juin 2009, elle produit et présente également J'ai mes sources, une émission quotidienne consacrée aux médias diffusés sur France Inter. De septembre 2009 à juin 2012, elle produit et présente l'émission littéraire Les Liaisons heureuses le samedi après-midi sur France Inter en partenariat avec Le Monde des livres, après avoir été chroniqueuse dans l'émission Le Fou du roi sur cette même radio. Depuis septembre 2012, elle écrit une chronique littéraire quotidienne diffusée sur France Inter.


Dans son roman, La Réparation (2012), elle restitue une partie de l'histoire de sa famille disparue à Auschwitz. En janvier 2015 sort son livre Dix-sept ans, dans lequel elle revient sur l'IVG qu'elle a subie à cet âge. J’étais un petit jeune homme de soixante-quinze ans lorsque j’ai lu Dix-sept ans où Colombe abordait avec force et humanité le thème de l’avortement, je n’étais donc ni femme, ni ado, et pourtant je me suis senti terriblement concerné, directement impliqué dans ma responsabilité sociale. Colombe Schneck a le don de parler de choses vraies avec la puissance, l’émotion et la véracité qui fait dire à la sagesse populaire que la réalité dépasse la fiction


De livre en livre, Colombe Schneck raconte son incroyable roman familial. Elle part à la recherche de ce père trop tôt disparu, à l'âge de 58 ans, alors qu’elle n'en avait que 23 : « J’avais vingt-trois ans, j’étais vitrifiée, j’espérais que tout cela s’arrête, qu’on me dise, C’est un cauchemar, ton père va réapparaître ». Ce faisant, elle découvre la migration de ses grands-parents paternels, Majer et Paula, devenus Max et paulette, dont les pays n'existent plus, tels les territoires de la Transylvanie hongroise. Elle rapporte l'histoire de ses parents, la vie de son père Gilbert qui aimait tant sa fille, la première guerre à laquelle il fut confronté, celle de 39-45, la chasse faite aux Juifs. Pourquoi, depuis des temps immémoriaux, les juifs sont-ils persécutés ? « …mon père me raconte cette histoire drôle, j’ai neuf ans : - Tu sais, beauty, ce que certains disent qu’il faudrait pour que le monde aille mieux ? – Heu. – Il faudrait supprimer les juifs et les coiffeurs. Je lui réponds sans hésitation : - Pourquoi les coiffeurs ? Mon père sourit : - Et pourquoi les juifs ? ». Elle a fouillé les archives et prend toute la mesure de l'intolérable acharnement des fonctionnaires de Vichy contre les juifs « Pendant les cinq ans de l’Occupation, Gilbert a rencontré ce qu’il y a de meilleur et de pire dans l’humanité. De toutes ses forces, il a décidé qu’il ferait semblant d’oublier le pire et se tournerait vers le meilleur ». Très vite elle réalise que sa colère n'a d'égal que sa volonté de remercier celles et ceux qui ont sauvé son père : « Ces gens n'ont jamais été remerciés et c'était donc important pour moi de leur dire merci, parce que je pense que si mon père avait gardé cette humanité, cette générosité, c'est qu'il savait qu'en chacun de nous il y a cette capacité d'aimer », car, petit garçon, Gilbert ne doit son salut qu'à l'héroïsme de Français ordinaires qui l'accueillent en Dordogne et en Haute-Garonne.


Gilbert termine ses études de médecine en 1959, il a 27 ans. Il est dirigé sur l’hôpital militaire de Sétif, dans le Constantinois où il participe aux campagnes de vaccination et d'hygiène dans les cités, là où la mortalité y est si précoce. Il y déplore le manque de soins. Il est pour l’indépendance, et l’état sanitaire du pays lui fait envisager, une fois l’Algérie indépendante, de s’installer dans ce pays : « il pourrait aider à l’établissement d’un service de santé pour les Algériens, former des médecins et des infirmières ». Mais il assiste également à la routine de cette guerre que l’on appelle pudiquement "événements" : « En une dizaine de minutes, Gilbert vient d’assister au viol d’une femme par deux hommes, à la mort de deux enfants faute de soins de base, à l’anéantissement d’un village ». Appelé dans un camp de prisonniers on lui demande de réveiller un homme torturé à mort : « Il demande le nom pour établir le certificat de décès. L’officier lui répond qu’il n’avait pas de carte d’identité sur lui quand il a été arrêté, qu’il était dans cet état, déjà inconscient, qu’il n’a pu être interrogé… ». Alors qu’il frôle la dépression et qu’on lui octroie un mois de repos, il décide, car il ne voit d’autre solution à ce sentiment d’isolement qui l’étreint, d’épouser Hélène, la sœur de Pierre, son ami de toujours. Ainsi naitront Colombe, son frère et sa sœur.


Mais l'écriture de ce roman ne saurait cacher les raisons profondes de la quête : « Enfant, je n’avais aucun doute sur l’amour illimité qu’il m’offrait, fière qu’il me soit fidèle, l’amour qu’il me portait n’était pas partagé, il s’additionnait à celui qu’il éprouvait pour mon frère et ma sœur. Après sa mort, j’étais étonnée de ne pas trouver un amour et une admiration identiques chez les hommes que je fréquentais ». Colombe Schneck a mis 25 ans à accepter la mort de son père, à se dire qu'il ne reviendra pas et à s'autoriser, à son tour, à être de nouveau aimée : « Il y a très peu de temps, j’ai accepté qu’il était mortel, faillible et infidèle ». Ce roman est une très belle preuve d'amour, c'est le chemin de la résilience qui s'offre enfin à elle.


Dire que l’on ne peut rester insensible à ce formidable roman familial est bien faible, la plume est rapide et incisive, les chapitres courts, les faits précis. Comme Alice Zeniter pour son livre L’Art de perdre, elle dépouille des archives, parcourt des lieux, consulte des souvenirs. On ne sait trop où se situe la limite entre la relation des faits et l’extrapolation romanesque, toujours relatées sans fausse pudeur. Mais on sent parfois l’indignation et la rage pointer sous les propos se traduisant par un désordre quelquefois dérangeant nous faisant passer du père facilitateur « On ne parle pas des choses qui fâchent » au grand-père (volage, absent, trafiquant, homosexuel, assassiné par son amant qui s’était un peu trop intéressé à sa maîtresse) de façon impulsive... De manière à peine suggérée on voit se profiler un prochain ouvrage sur la vie d’Hélène, la mère de Colombe, car il semble bien que là aussi il y ait matière à nous bouleverser… il ne semble pas que sa vie ait été un long fleuve tranquille…


Au-delà de la saga Schneck, cet ouvrage représente un puissant travail de mémoire sur le sort de familles juives pendant la seconde guerre mondiale, en France, et un témoignage sur un aspect des "événements" d’Algérie que l’on voudrait souvent oublier. Un livre, peu facile, à méditer, que je recommande !

Philou33
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le 17 avr. 2018

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Philou33

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