"Les Hommes Dénaturés" (Maximum Light, 1998) est un roman dystopique de Nancy Kress.
Nous allons suivre ici un trio de personnages, sacrément détonnant au demeurant, qui sera ici aux prises avec une espèce de complot industrio-gouvernementale sur base de manipulations génétiques. Dans un contexte de futur infertile, où la grande majorité de la population entame un troisième âge devenu la norme et enrichit une propagande "pro-jeune" (y verriez-vous un quelconque lien avec la société actuelle?), nous allons suivre respectivement Shana, jeune adulte rêvant de s'engager à l'armée mais ayant fait une découverte fâcheuse la discréditant dans tous les cercles; Nick Clementi, vieillard scientifique persuadé que l'homme est bien un loup pour l'homme (et que les perturbateurs endocriniens auront causé le génocide spermatozoïdien) et enfin Cameron, jeune danseur amnésique (ayant subi un procédé type Eternal Sunshine) luttant malgré tout contre un passé terrible le rattrapant...
La critique sociale est évidente et bien conduite. Que faire face à une jeunesse se faisant rare et qui à l'image de notre narratrice, s'oppose en toute logique? Que faire de ces vieillards, peureux encore une fois en toute logique, et porteur d'optimisme dans le cul-de-sac de leurs perspectives ? Jusqu'où le "progrès" doit-il avancer camouflé avant de le dénoncer une bonne fois pour toute? Pour tout lecteur de la Revue du Praticien, je me rappelle encore d'un édito plutôt récent concernant les perturbateurs endocriniens et les difficultés autant sémantiques que physiopathologiques qu'ils portent.
Le récit quant à lui tient à une enquête glauque à souhait. Je ne spolierai pas le noeud du roman et vous laisserai donc découvrir.
Difficile cependant d'aller au-delà de 3/5: si le récit fait réfléchir, il a bien du mal à transporter son lecteur. Entre une narratrice globalement assez désagréable, un scénario bon mais finalement assez restreint, il ne nous restera qu'une base sociétale intéressante et une myriade de questions à creuser. C'est assez dommage: le récit est efficace mais a du mal à emballer.
"Les Hommes Dénaturés" est donc un roman intéressant mais fade. Porteur de nombreux questionnements actuels et très clairement une anticipation extrêmement juste, il décevra narrativement.