Le tome 3 de la saga alternative aux aventures d’Ender, le jeune stratège qui a sauvé l’humanité de l’invasion des Doryphores, au prix d’un xénocide dont il n’est pas sorti indemne moralement. Son providentiel coéquipier, Bean, est resté sur Terre, pour sa part, et se retrouve une nouvelle fois aux prises avec le méprisable Achille, son ennemi juré depuis leur enfance misérable dans les rues de Rotterdam. Tous deux sont surdoués ; les autres n’ont guère leur place dans les romans de Card. Et c’est tout l’intérêt de ses ouvrages : nous amener à suivre les raisonnements alambiqués à l’extrême de petits génies pris dans le tourbillon d’une histoire mondiale revisitée par une intelligence aigue, appliquée à les confronter à des dilemmes insolubles. Aussi, quand Peter, l’Hégémon et accessoirement frère d’Ender, commet la grossière erreur de faire évader Achille des geôles où les chinois l’ont confiné, après l’échec de son misérable complot dans le tome 2, on a le sentiment d’un événement inhabituel. Nouvelle ruse de l’auteur pour nous désarçonner ou dérapage inconcevable sous pareille plume ? Une confrontation presque burlesque entre Peter et ses surdoués de parents, sous forme d’un vulgaire bras de fer mille fois vu auparavant, achève de faire dresser l’oreille et lever un sourcil. Mais mais mais ? De l’humour ? Qu’est-ce que ça vient faire là ? Et d’un coup, on en est sûr : Card ne va pas bien ! Le voilà sur des rails fréquentés par des masses d’autres, moins malins que lui. Et visiblement pas très à l’aise dans sa nouvelle peau d’humoriste. Ce ton léger a du mal à faire passer des invraisemblances scénaristiques coupables. Bien sûr, on est tout prêt à pardonner un égarement passager de la part du père des Chroniques d’Alvin le Faiseur, déité narrative perdue au milieu de troupeaux entiers de plumitifs sans grâce, mais on se surprend à prier l’Olympe des Auteurs Majeurs qu’il se ressaisisse bien vite et réinjecte un peu de gravité dans ses intrigues. Peut-être sont-ce tout bonnement ces enjeux paternels qui frappent Bean qui ont déstabilisé notre génie. Après tout, il est Américain, et on connaît la fragilité des Maîtres du Monde en la matière, mormons ou pas. Ça les rend tout bêtes. Allez, on verra ce qu’il en sera dans le tome 4, que je ne manquerai pas de lire.