Lâchez le simple nom de Gobineau dans un salon bien rempli, et au mieux vous obtiendrez un silence poli (quelqu'un veut des mini pizzas ?) au pire une bordée d'injures et de mines dégoutées : "ce facho qui a inspiré Hitler ? beuuuuurk". (non merci, pas de Suze, j'ai horreur de ça, vous n'avez pas de Kalhua ?)

Bon, je ne vais pas ici me lancer dans la défense de "l'essai sur l'inégalité des races humaines", encore un livre que personne n'a lu mais dont on colporte avec joie la mauvaise réputation due à un détournement éhonté... passons.
Il n'en reste pas moins qu'à cause de ce malentendu malheureux (vous n'allez pas me laisser cette dernière part de clafoutis... non, personne ?), on passe à côté d'un écrivain de grand talent, à la plume alerte, et aux talents de conteur hors pair.

Longtemps ministre plénipotentiaire (ooh, des ferrero rocher, ça c'est une bonne idée. Piochez dedans, si si) en poste en Perse, à Rio, Athènes ou encore Stockholm, cet érudit touche à tout écrit les Pléiades après une série de nouvelles et de merveilleux récits de voyages, dix ans avant sa mort.
Ici, il n'est pas question de races, de civilisations décadentes, de comparaisons ethniques, mais d'un charmant chassé-croisé de quatre couples à travers l'Europe, une mécanique subtile d'âmes bien nées en quête du plus délicat des trésors : savoir aimer. (Une tisane ? verveine, camomille, tilleul ?) Digne successeur de Goethe et de Stendhal, le brave Comte Arthur tresse une quadruple intrigue qui tient son lecteur en haleine jusqu'à la dernière page, avec une ironie légère, et une grande tendresse pour ses personnages. Henry James n'est plus très loin, ce qui chez moi n'est pas un mince compliment !
Chaiev
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste On the row (2011)

Créée

le 2 nov. 2011

Critique lue 1.1K fois

20 j'aime

8 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

20
8

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

283 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

268 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

244 j'aime

74