Chez les heureux du monde
Lâchez le simple nom de Gobineau dans un salon bien rempli, et au mieux vous obtiendrez un silence poli (quelqu'un veut des mini pizzas ?) au pire une bordée d'injures et de mines dégoutées : "ce facho qui a inspiré Hitler ? beuuuuurk". (non merci, pas de Suze, j'ai horreur de ça, vous n'avez pas de Kalhua ?)
Bon, je ne vais pas ici me lancer dans la défense de "l'essai sur l'inégalité des races humaines", encore un livre que personne n'a lu mais dont on colporte avec joie la mauvaise réputation due à un détournement éhonté... passons.
Il n'en reste pas moins qu'à cause de ce malentendu malheureux (vous n'allez pas me laisser cette dernière part de clafoutis... non, personne ?), on passe à côté d'un écrivain de grand talent, à la plume alerte, et aux talents de conteur hors pair.
Longtemps ministre plénipotentiaire (ooh, des ferrero rocher, ça c'est une bonne idée. Piochez dedans, si si) en poste en Perse, à Rio, Athènes ou encore Stockholm, cet érudit touche à tout écrit les Pléiades après une série de nouvelles et de merveilleux récits de voyages, dix ans avant sa mort.
Ici, il n'est pas question de races, de civilisations décadentes, de comparaisons ethniques, mais d'un charmant chassé-croisé de quatre couples à travers l'Europe, une mécanique subtile d'âmes bien nées en quête du plus délicat des trésors : savoir aimer. (Une tisane ? verveine, camomille, tilleul ?) Digne successeur de Goethe et de Stendhal, le brave Comte Arthur tresse une quadruple intrigue qui tient son lecteur en haleine jusqu'à la dernière page, avec une ironie légère, et une grande tendresse pour ses personnages. Henry James n'est plus très loin, ce qui chez moi n'est pas un mince compliment !
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