Chronique vidéo https://www.youtube.com/watch?v=1HKodA7iKRw&ab_channel=YasminaBehagle


De quoi ça parle ? le narrateur, à la mort de son père, tombe sur des cassettes audio que celui-ci a enregistrées. Il va y découvrir qui il était, comment sa seconde vie passée dans le silence est la conséquence directe de sa première vie, son arrivée en France, le rejet, l'exploitation, l'amour avec une militante française interdit par sa famille restée au Maroc.


Ce que j'en ai pensé ?

Je l'ai fini depuis quelques jours, et à vrai dire, je l'ai déjà oublié. Il n'y a rien que ce soit dans le style, ou l'intrigue, très convenue, qui ait réellement retenu mon attention.

C'est une écriture encore une fois assez journalistique, on dépasse pas le simple enchaînement de faits et leur conséquences. Alors certes, j'ai appris des choses que j'ignorais, comme par exemple l'hostilité des syndicats envers les immigrés eux-mêmes et non pas envers les patrons qui cassent le coût du travail, donc pour la valeur documentaire de ce récit, je le recommande. Les conditions matérielles des travailleurs dans les mines, la réalité sur la « chance » qu'a offert la France à ses immigrés. Cependant, d'une part, encore une fois, ça manque de chair, il y avait quelque chose presque de l'ordre du manuel scolaire dans les descriptions, jamais on prend le temps de vraiment décrire l'effet que ça fait, de s'étouffer dans le ciment, quel outil précis on prend quand on descend à la mine, le bruit exact des alarmes, de l'ascenseur. Il y a peut-être un travail de journaliste ou de chercheur derrière, mais pas de travail littéraire avec le matériau offert.


D'autre part, je trouve que le personnage du père, s'il est intéressant au début du roman, avec ce silence qui pèse sur les épaules de toute la famille, devient vite une peinture hagiographique et ennuyeuse. Parce qu'il est toujours dans l'apaisement, dans l'entraide, dans la gentillesse, parce que l'auteur ne va jamais plus loin qu'une incarnation littérale de ces premières générations sacrifiées, qu'on est encore dans le topos du héros qui va à la recherche de ses racines pour dépasser son deuil, on est dans une certaine facilité, ou en tout cas, dans une non-originalité qui s'inscrit parfaitement dans les sorties habituelles de la rentrée littéraire.

Le récit, malgré sa brièveté s'enlise rapidement dans la répétition : avec une construction redondante, le narrateur part à la recherche d'une personne qui va lui dévoiler une facette de son père, suit l'écoute d'une cassette qui donne sa version des faits, et ce à 3 ou 4 reprises sur 21 000 mots. Tout est évident, il n'y a jamais un contrepoint négatif ou nuancé — en même temps, à la mort de quelqu'un tout le monde s'accorde à le trouver formidable. Mais la personnalité du père tient sur un timbre-poste et parvient même à se contredire. Au début, par exemple, il cache la réalité de son quotidien à ses parents pour ne pas les inquiéter, et très rapidement, cette précaution disparait, puisque le récit doit bien avancer et que l'auteur est obligé de sacrifier la cohérence de son personnage pour exposer ses scènes. le côté réconciliateur du roman, passe à côté de son sujet selon moi. Parce que la littérature, c'est pas le lieu de la réparation, de la compensation ou que sais-je… Non, c'est le médium parfait pour montrer les noeuds inextricables de la vie, de dire voilà comment ça a été, voilà l'incommunicabilité des personnages, débrouille-toi avec ça, pas de faire des fins à l'ocytocine où on se dit, ah enfin, je suis contente qu'ils soient tous apaisés, qu'ils aient trouvés les réponses à leurs questions existentielles, et le miel pour laquer leur relation abimée. C'est juste hollywoodien de faire ça, et bon sang, qu'est-ce que j'ai pu lire des récits comme ça, transgénérationnels qui finissent comme ça, sur une réconciliation, sur de l'apaisement, alors que ce serait bien plus intéressant de montrer que malgré la petite compréhension du fils ou du petit-fils pour son père, ben le silence reste.

YasminaBehagle
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le 26 août 2023

Critique lue 379 fois

YasminaBehagle

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