LE philosophe de l'absolutisme

Pour nous expliquer ses idées sur ce qu'est la nature et la structure d'un État, Thomas Hobbes établit dans le Léviathan une véritable somme philosophique, en allant de la nature de l'être Humain pour conclure avec l'État chrétien, tout en passant par le fonctionnement de l'appareil politique, ses fondements de souveraineté, ses agents, sa tête (ce qui nous intéresse).

Trop souvent nous réduisons, - notamment au lycée, - la pensée de Hobbes au seul « état de nature », avec la fameuse locution « l'homme est un loup pour l'homme » de De Cives. Certes, le Léviathan statue longuement sur ce que serait la vie humaine dans l'état de nature, et qu'on peut résumer par « La vie humaine est solitaire, misérable, dangereuse, animale et brève » ; mais ce n'est qu'un point de départ à sa réflexion sur la nécessité de l'existence d'un état structurant la société afin d'accomplir la Paix.

Faire une critique globale impliquerait de résumer les 30 chapitres intéressants de ce pavé, et par soucis de concision, je ne ferais que résumer ses idées selon ce que j'en ai compris, et vous donnerai mes opinions à ce sujet. Attention ! Si vous êtes anarchiste, ce que vous allez lire ne vous plaira sans doute pas, mais ça vaut la peine d'y jeter un coup d'oeil.

Pour faire simple, le Léviathan se découpe en trois grandes parties : De l'Homme, De l'État, De l'État chrétien. Seules les deux premières parties m'intéressent, j'omet volontairement la troisième, et je ne la prends pas en compte dans ma critique.

Dans "De l'Homme", Hobbes explique comment notre conscience fonctionne, en partant des sensations pour arriver à la mémoire et l'imagination. Il voit la cognition comme un processus concret, issus des sens, et qui permettent l'élaboration de pensées. Il ne s'agit pas, selon lui, d'un processus "éthéré" de l'âme, mais bien un phénomène physique sensoriel. Il montre que nos rêves naissent quand nos sens sont au repos et que notre cerveau ressent le besoin de se stimuler. Il présente la parole comme la plus grande réalisation humaine, essentielle pour partager nos pensées. Mais il met en garde contre les rhéteurs et les poètes, qui usent d'artifices littéraires, de figures de styles, et qui peuvent, par les mots, nous induire en erreur.

Hobbes explique que la raison est la capacité de calculer, de faire des inférences à partir de propositions générales. La science découle de l'application correcte de la raison, permettant à l'homme de comprendre les lois de la nature.

Hobbes aborde ensuite la politique en parlant de l'état de nature, où sans autorité, les gens vivent dans la peur et le conflit, ce qui rend impossible une vie sereine. Il introduit les droits naturels, montrant que sans limites, ils mènent au chaos.

Pour sortir de cette situation, Hobbes propose le contrat social, où les gens renoncent à certains droits pour vivre en sécurité sous l'autorité d'un souverain : le Léviathan (lequel est composé des citoyens qui le composent). Ce dernier doit protéger la société et garantir la paix.

Dans "De l'État", Thomas Hobbes défend ensuite l'Absolutisme comme forme de gouvernement idéale, soulignant sa capacité à assurer stabilité et efficacité. Il y dépeint un souverain doté d'un pouvoir absolu, nécessaire pour maintenir l'ordre et la paix, grâce à un contrat social où les sujets cèdent leur droit de contestation en échange de protection. Hobbes avance que ce pouvoir souverain, qu'il repose sur une personne ou une assemblée, est justifié par l'impératif de sécurité de l'État, englobant législation, justice, guerre, paix, et sélection de conseillers avisés.

Bien que doté de droits absolus, le souverain a pour devoir de veiller au bien-être, à la justice, et à la prospérité de ses sujets, avec la possibilité de remplacement en cas d'abus de pouvoir. La liberté des sujets est définie par l'absence d'opposition aux lois, affirmant qu'une large liberté est compatible avec un pouvoir fort, si ce pouvoir agit selon les lois établies. Les conseillers, choisis pour leur sagesse, ont pour rôle de guider le souverain dans ses décisions pour l'intérêt de l'État, sans représenter directement les sujets.

Il aborde la question de la justice, affirmant que les lois sont les mesures ultimes de ce qui est juste et injuste, déterminées par le souverain. La justice n'existe pas en dehors de la société civile, car c'est l'État qui crée et maintient l'ordre légal. . Il soutient que la sécurité de l'État repose sur une armée bien entretenue, financée par les impôts des citoyens. L'efficacité militaire et la capacité à défendre l'État contre les agressions externes sont primordiales pour la préservation de la paix et de la sécurité intérieures.

Pour conclure, Hobbes souligne que le succès et la stabilité de l'État dépendent de l'adhésion stricte aux principes de souveraineté absolue, de l'exercice judicieux du pouvoir par le souverain, et de l'engagement des sujets envers l'État. La paix, la sécurité et le bien-être collectif sont atteints à travers une gouvernance forte, capable d'harmoniser les intérêts individuels avec ceux de la communauté.

Globalement, Léviathan est le grand monument de l'Absolutisme, dépassant Les Six Livres de la République de Jean Bodin et De la Souveraineté du Roy de Cardin Le Bret dans la justification rigoureuse de la souveraineté absolue de l'État. C'est le livre classique dans le domaine de la souveraineté politique à mon sens, et ses idées m'ont bien plus convaincus que celles notamment de Rousseau.

Pour ceux qui débutent la lecture en philosophie politique, je vous conseille quand même d'aller lire Du contrat social de Rousseau, Anarchy, State, and Utopia de Robert Nozick, les Deux Traités du gouvernement de John Locke et De l'esprit des lois de Montesquieu afin de vous permettre d'avoir une vision plus large et vous faire peut-être un avis plus complet, moins centré sur la pensée d'un seul auteur.

En tout cas, c'est une lecture intéressante, immanquable si l'on est féru de philosophie Politique.