Manesh
7.8
Manesh

livre de Stefan Platteau (2014)

Pas loin du sentier du désastre

Attention spoil !

Alors, j'en suis à un peu plus du 1er tiers du 3ème tome, Meijo, et je referme le bouquin. Je n'en peux plus, tellement c'est long, tellement c'est chiant et inintéressant. L'auteur s'est vraisemblablement perdu dans l'enchassement de récits. C'est vraiment dommage, il avait de l'or au bout de la plume et l'a transformé en boue.

J'ai beaucoup aimé le premier tome Manesh, dont la structure est très originale et dont la forme rappelle les grands chants homériques, avec un style ample et lyrique. Mais après... C'est le drame. Je raconte.

Le sentier des astres, qui s'ouvre avec son premier tome Manesh, c'est l'histoire d'une compagnie qui veut remonter un fleuve, le Framar, et traverser une forêt boréale - le Vyanthryr - pour aller trouver un oracle tout au nord, le Roi-Diseur, dans un but bien précis. Ils tombent sur un homme en mauvais état, les jambes mutilées, qui descend le long du fleuve, flottant sur des branches. C'est Manesh. Ils le soignent, le requinquent et le questionnent sur sa présence ici. Car l'intrigue prend place sur fond de guerre civile, sur un autre continent d'où ils sont originaires et où ils doivent repartir une fois leur mission accomplie, pour gagner la guerre. Alors, ils doivent forcément savoir ce que le bougre vient faire ici et comment il en est arrivé là. Le récit de Manesh - enchâssé dans celui de Fintan, le Barde, le narrateur - est magnifique. Avec des accents de conte, l'enchantement prend. Il y a même des influences très nettes chez Platteau d'auteurs comme Borges ou Bolano dans la façon qu'ils ont de manipuler le lecteur, quand au caractère véridique de ce qui est raconté. Manesh va ballader la compagnie pour cacher ses secrets, et par là-même, on se fait ballader aussi et c'est jouissif. On se retrouve comme les personnages qu'on manipule dans le livre : on en fait partie. Le récit de l'histoire de Manesh vient rejoindre directement, et éclairer les péripéties palpitantes de la compagnie dans cette forêt boréale. Et c'est ce qui fait que le livre est grandiose. Comment les deux récits se bouclent.

Mais il y a déjà un hic : j'ai lu l'édition classique des Montons Électriques et il y a un léger détail qui pique l'oeil mais quelque chose de sévère : les coquilles ou fautes d'orthographe. C'est hallucinant ! Je n'ai jamais lu un livre avec autant de fautes et j'ai dû lire le bouquin avec un stylo à la main, pour corriger. Est-ce que quelqu'un a relu le manuscrit avant de publier ça ? C'est à se demander... Le problème aussi, c'est que Platteau part sur un Grand Style, un peu à la Jacques Abeille et son Cycle des Contrées. C'est donc très beau, les phrases sont lyriques, amples, on est sur une épopée avec des dieux, des géants, des bêtes chtoniennes bien dégueus et une cosmogonie. Tout ça sur fond de paganisme et de mythologies. C'est du régal. Il y a même quelques excentricités, du vieux français, ou vieilli, pourquoi pas. Mais merde ! Quand même ! : il y a des fautes de concordance des temps et d'accords et des coquilles et... ! Et donc l'ambition littéraire qui prend forme dans le 1 rend encore plus cruelles ces fautes dignes d'un lycéen.

Forcément : il faut se donner les moyens de ses ambitions, à partir comme ça. Sans ça, ça fait plouf.

Ensuite viennent Shakti et Meijo.

Et là, c'est quand même vraiment moins bien. C'est même la dégringolade. C'est caricatural, vulgaire et peu crédible : l'image de la levrette sur l'ours primordial tuée (Croque-carcasse) est assez moche et tout ça ne marche pas. De mauvais goût. Shakti, un personnage stupide et inconséquent. La suite, trop de pathos.

Sinon au niveau formel :

1er problème : dès l'ouverture de Shakti, Platteau oublie de débuter le bouquin par "Ainsi se poursuit mon chant : ", pour assurer la continuité des deux tomes et réinstaller l'épopée.

On rentre dans le vif de l'action directement et on voit tout de suite que le travail est un peu bâclé.

2ème problème : l'introduction anarchique et subite des phrases en italiques pour exprimer les pensées des personnages, exactement comme dans Dune de Frank Herbert. On voit que c'est totalement improvisé.

Encore : "Qu'est-ce que tu as entendu ? Soufflé-je."

Cette confusion entre le pp et le passé simple est permanente. C'est dur. 3ème pb.

Et il y a de plus en plus de fautes à mesure qu'on avance. Des fautes ! mais des fautes ! Comme, c'est pénible pour la lecture. Je lis avec mon stylo.

Et l'histoire de Shakti, enchâssée elle aussi dans le Dit de Fintan, comme elle manque de carburant. Autant, le récit de Manesh est incroyable et prend tout son sens dans le déploiement et la rérésolution de l'intrigue du 1 ; autant là, non seulement, c'est moins bien, mais surtout c'est de plus en plus dilatoire car cela reste très en suspend jusqu'au 1er 1/3 du 3. C'est long, le rythme peine.

En sorte que, forcément et fatalement, le récit qu'on veut suivre dans la forêt boréale patauge un peu dans la semoule et c'est très frustrant.

Ça c'est le 4ème problème : on délaisse complètement l'intrigue principale qui est passionnante pour nous parler de l'histoire de Shakti qui est parfaitement inintéressante. À quel moment les mecs la laissent raconter son histoire pathos alors qu'elle a tué Rana ? Non mais oh ! C'est nul et pas crédible ! Les mecs la plantent et c'est terminé. Pas de pitié pour des traitresses dans son genre.

Alors peut-être que ça va s'améliorer par la suite - il paraît que la fin du 3 est bien, mais ce sera sans moi.

En résumé : le 1er est une réelle réussite dont on pardonne les fautes et les coquilles. Et progressivement, le niveau baisse, baisse, par un manque de maîtrise et surtout, je pense, de la précipitation. Viouuuuuuuuuum.... Comme un avion qui perd de l'altitude et s'écrase alors qu'il devrait nous faire monter tout droit vers les étoiles. Un pur gâchis littéraire. Une réelle déception.

Je me demande surtout ce qu'a foutu la maison d'édition.

Marsssoul
8
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Créée

le 9 mai 2024

Modifiée

le 9 mai 2024

Critique lue 7 fois

Marsssoul

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