Mangeuses - Histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l'excès par slurp slurp

"les mangeuses, une enquête salutaire" Oui, mais pour qui ? Certainement pas pour le premier groupe dont fait part le sous-titre du bouquin, "Une histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l'accès". Peut-être, en effet, que j'attendais beaucoup de ce bouquin. Sa couverture m'a séduite dans une première librairie, une deuxième fois sur internet, et c'est conquise par ce titre ravageur, "Les mangeuses", que je suis allée d'un bon pas l'acheter au bout de ma rue. Déterminée à en découdre une bonne foi pour toute avec mon appétit dévorant : que la fierté sois mienne plutôt que la honte ! Et bien, raté. Salutaire pour qui, ce bouquin ? Celles qui savourent et se privent à l'excès, certainement. L'anorexique que j'ai été il y a quelques années, c'est vrai, a de nouveau été couronnée de succès. La petite ana-rexique est comblée de bonheur de savoir qu'elle fait partie de celles qui résistent. mais que penser de la grande Anna qui mange, mange, et la vie, et les assiettes gargantuesque qu'elle aime à s'enfiler ? En effet, mon rapport à la nourriture n'est toujours pas réglé : je suis à la fois obsédée par l'idée de grossir, et en même temps, terrifiée à l'idée de me priver à nouveau. Terrifiée de, comme ma mère (et mon père aussi), considérer ma valeur à la circonférence de mon nombril. De considérer que je tiens ma vie si je tiens ma ceinture, que ma puissance repose dans ma capacité à m'affamer. Je lutte. Je lutte pour manger. et je le fais. Spoiler : c'est pas toujours facile. J'aurai aimé une ode, pour toutes, et pour nous, les dévoreuses. J'ai attendu de pouvoir exister entre les lignes. C'est arrivé : dernier chapitre, bam, dans les dents. "certaines deviennent plus humaines en se privant, d'autres découvrent ou dévoilent leur nature inhumaine en mangeant". Le long du chapitre précédent, qui, je l'admets, est émouvant, l'autrice parcours le littérature et ce que les femmes ont pu écrire à la fois de plus déchirant, de plus touchant, de plus humain, vis à vis du rapport à l'anorexie (ou à la boulimie avec régurgitation, mais de manière plus anecdotique). Je l'ai trouvé beau ce chapitre. Mais je n'ai pas cessé de me demander : et nous, femmes dévorantes, où sommes nous, à nous confier dans la littérature ? "Rappelons nous de Gargamelle, qui, après avoir ingurgité des kilos de tripes, devient, sous la plume de Rabelais, une "matière fécale et boursouflée [...] Pensons à Precious, l'adolescente afro-américaine du roman Precious, que sa mère gave de viande grasse et de macaronis au fromage pour la grande plus obèse qu'elle, pouvoir ainsi la déshumaniser, la traiter de "grosse négresse cochon", avant de la violer". Je ne suis pas débile : je comprends bien qu'il s'agit ici, en filigrane, de rendre compte de ce que la littérature, la vie, la société, les hommes, font aux femmes qui mangent : les rendre inhumaines. J'aurai aimé que Les Mangeuses, aille chercher des extraits de livre, écrits par des femmes, par des Mangeuses, des dévorantes, parle de leur rapport à la nourriture, à leur corps. Qu'elle raconte leur combat, leur passion, leur crainte. Ce travail n'a pas été fait.

Je ne nie pas que ce livre est instructif, et qu'il éclaire largement les conditions qui scelles notre rapport, à nous femmes, avec la nourriture. Mais il est écrit pour les femmes qui ne mangent pas. Pour celles qui savourent sans excès. Ce que nous avons en commun : l'obsession. Mais nous n'avons pas ce livre là en commun.

Je souhaitais offrir ce livre à ma soeur : elle est moi sommes des dévorantes. Je doute maintenant, de la délicatesse de le mettre en ces mains. Nous sommes terrorisées par notre mère et mon père depuis plus de 15 ans. C'est noel à la fin de semaine, et je sais que, elle comme moi, nous nous préparons à affronter le séjour familial. Les remarques obscènes sur nos corps. Trop encombrantes à leur yeux, nous essaierons pourtant de prendre la place qui nous est due. Nous tenterons de manger à notre faim sans faillir à leur regards inquisiteurs. Nous tenterons de motiver ces autres femmes, qui sont nos cousines, nos mères, nos tantes, à manger. Parce qu'elles aussi se privent. Nous sommes scellé par cette obsession, par ce hantement intergénérationnel. Je veux qu'elle mange. Parce que manger est beau. Et je m'accorde à citer ici la phrase qui a le plus, dans Mangeuse, résonné en moi : "Après un bon petit repas, on se sent toujours plus humain". C'est un homme qui le dit et Lauren Malka ne manque pas de le dézinguer. Je la comprends. Mais sait-elle qu'au travers de Mangeuses, elle m'a donné, à nouveau envie, d'être de celles qui se privent à l'excès ? pour ceci, je lui en voudrais.

AnnaFaure1
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le 19 déc. 2023

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