Martyre
7.5
Martyre

livre de Yukio Mishima ()

Ken
Pour être honnête, je n'y comprends rien, j'y aperçois des types , des caractères des rapports d'homme à homme mais je ne saurais les définir. L'idéal de droiture de Kokubu me paraît sans cesse mis à mal, tantôt protégeant un oiseau, tantôt envisageant de le tuer, ses principes me paraissent flous. Certes on discerne son idéal de droiture, de sérieux mais là où l'on pourrait penser que celui-ci guiderait une longue vie vertueuse, celle-ci prend fin à la suite d'un déshonneur qui n'est même pas de son fait. Peut-être faut-il lire dans les propos de son entraîneur autant la raison de cette rigueur intense, sa situation familiale étant des plus dissolues, mais aussi le peu d'espoir en l'avenir qu'il révèle à Mibu. Sa jeunesse de corps et dans une certaine mesure d'esprit se superpose à une lassitude qui ne présage rien de bon. Il est objet d'admiration par ce calme qu'il affiche en toute circonstance, mais ne peut on pas voir là un manque d'enthousiasme qui empêche de continuer à vivre. Si l'incident de la baignade est le déclencheur de son suicide, son manque de projet d'avenir marque clairement des tendances qu'autrement on aurait pu attribuer à la jeunesse mais qui chez lui semblent plutôt marquer l'âge mûr qu'il a très jeune atteint, et cette absence d'autres obsessions que la rigueur montre bien le vide du personnage, aussi, le moindre attentat aux règles qu'il a posé le dépossède de tout pouvoir de contrôle et met fin à son règne de discipline. Sa réflexion sur la mort, en deux instances, annonce elle aussi son suicide final, tel l'oiseau blessé qu'il pense à achever, il ne voit pas pour lui-même d'avenir et souffre de sa condition. Quant à sa réflexion sur son cadet mort, elle établit une distinction entre ceux qui sont « forts et droits » et ceux qui se donnent la mort. Il regrette que son camarade ne soit pas passé d'une catégorie à une autre et on ne peut supposer que c'est le geste qu'il fait, lassé d'être fort et droit devant un monde qui ne se plie pas à ses règles.
C'est un singulier personnage que ce Jiro, jeune et vieux à la fois, vif et silencieux, sans projet. Il semble plongé, est-ce par dégoût de sa famille et de la vie moderne, dans le passé, dans les règles du bushido qu'il échoue à faire respecter. Une caractéristique qui le distingue fortement de personnages comme Kagawa et Mibu. De Kagawa il diffère par leur susceptibilité et leur orgueil, présent chez les deux personnages mais tandis que l'un tire celui-ci de la discipline, l'autre le tire de l'honneur comme le montre l'avancement que refuse Kokubu et que lui envie Kagawa. Mibu quant à lui représente la jeunesse autant par sa barbe qui peine à pousser qu'à l'admiration sans bornes qu'il porte à Kokubu. Son chemin à lui est celui du passage à l'âge adulte où il doit assumer ses responsabilités et se placer sur un pied d'égalité avec son idole. Un cheminement qui le pousse à refuser de parler puis à mentir à ce dernier pour se créer une dignité virile.


Martyre
Les enfants sont de vraies petites saloperies, d'une cruauté sans borne. On a beau les encadrer d'une nature magnifique, onirique, ils trouvent toujours en eux des ressources diaboliques. Mais que veut dire ce diabolisme ? Une ignorance de la valeur de la vie humaine et de la vie en général, ou bien une bêtise criante, ou encore un instinct grégaire qui pousse à la surenchère. Est ce le résultat de passions réprimées telles que celles qui unissent Hatakeyama et Watari, une envie de détruire ce que l'on n'ose pas avouer que l'on admire ? Ou encore l'effet d'une nature dramatique, de cieux propices au drame. Cieux que ne cesse de contempler Watari comme si un salut divin pouvait le faire échapper à ces brimades. Cette piste pourrait être d'autant plus pertinente que non seulement ses persécuteurs sont appelés diables et que, malgré la pendaison à laquelle ils ont procédé, le corps du mort n'est pas retrouvé. Ou est ce encore Hatakeyama qui l'a sauvé de l'agonie, perpétuant ce cycle de violence et d'amour ?

louiseg2112
7
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le 25 avr. 2022

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