Mécanique - Le cours de physique de Feynman, tome 2 par Erw

Je ne sais pas ce que Feynman a avalé entre le premier volume et le deuxième, mais wouah, il est passé à la vitesse supérieure ! Prenez quelques minutes de préparations, inspirez bien et c'est parti pour le grand voyage en jet supersonique au-dessus de globalement TOUTE la physique.

Après s'être longuement attardé sur les lois du mouvement, les corrections relativistes et la sainte trinité de la mécanique, à savoir l'Énergie, l'Impulsion et le Moment cinétique, Nous partons dans ce tome pour l'optique, la théorie cinétique, la thermodynamique et la mécanique des ondes. Soit quatre machins qui auraient mérité un volume ENTIER chacun. (et encore...)

Un aimable professeur voulant aborder l'optique fera les choses dans l'ordre : optique géométrique, où les rayons lumineux sont droits et changent de directions lorsqu'ils changent de milieu, puis verra le formalisme de la diffraction pour les cas plus complexe où la lumière peut s'étaler, et ensuite décrira en dernier recours la lumière comme perturbation électromagnétique. Mais Feynman n'y va pas par quatre chemins, il aborde l'optique géométrique uniquement pour dire que c'est de la merde, puis nous fout sur la table directement et sans préparation la formule générale du champ électromagnétique créé dans l'espace par une particule en mouvement arbitraire dérivée des potentiels de Liénard-Wiechert. Pour des pauvres étudiants de première année qui n'ont jamais fait d’électromagnétisme de leur vie, c'est très osé de sa part. C'est un peu comme foutre du Shakespeare en compréhension de texte pour des CM2 en initiation à l'anglais. Mais c'est à la fois osé et génial. Car la formule, toute complexe qu'elle peut être, a une signification physique simple et une fois qu'elle est comprise, tout s'éclaire (pour de l'optique, oui...). La démarche devient logique, les choses s'enchaînent naturellement, et c'est beau. Également, pour ajouter à mon orgasme intellectuel, la méthode géométrique pour résoudre les problèmes d'interférences... Putain, un dessin moche mal dessiné vaut mieux que toutes les expressions mathématiques au monde !

Osé, Feynman l'est également pour les deux chapitres de biologie sur la vision en couleur qu'il nous balance après ceci : «Nous ne nous excuserons pas pour ce détour.» et je n'ai pas honte de le dire, j'ai adoré ces deux chapitres. Richard a l'air d'apprécier fortement la bio, déjà dans le premier livre il lui accordait les 3/4 du chapitre «La physique et les autres sciences», mais, comme toujours, il arrive à transmettre son enthousiasme avec brio.

Il intercale également après cet interlude une petite initiation à la mécanique quantique, très imprécise, il le dit lui-même, mais qui a le mérite de poser les bonnes questions. D'ailleurs, croyez-le ou non, le phénomène quantique le plus courant, celui qui ne peut être expliqué autrement qu'avec ce domaine mystique complexe, étrange et abstrait, eh bien c'est le fait que votre tasse à café ne puisse pas traverser pas la table et s'écraser sur le sol. En effet, selon la mécanique classique tout normale, en supposant qu'elle soit constituée d'atomes, votre tasse devrait non seulement désintégrer votre table, mais aussi vous irradier mortellement de rayons gamma. Et après on dit que c'est la MQ qui est une science bizarre...

La deuxième partie du livre sera moins orgasmique, mais l'audace de Feynman est là. D'habitude pour traiter la notion de température, de pression et ce genre de choses dans un gaz, un liquide ou solide, deux choix s'offrent à vous : soit vous utilisez la grosse moissonneuse-batteuse que l'on nomme habituellement «Mécanique statistique» qui consiste à prendre comme point de départ le fait qu'il y a un bon milliard de milliard de milliard d'atomes dans votre machin et à prédire statistiquement ce qu'il va se passer (car les suivre un par un serait abusé). Soit vous prenez un autre point de vue que l'on nomme «Thermodynamique» qui consiste à prendre comme point de départ le fait que vous ne compreniez absolument rien à ce qui se passe dans ce foutu système de merde, et à déduire empiriquement quelques lois qui sont à la fois très élégantes et très puissantes. Le second point de vue est celui qui est normalement abordé en premier, mais Feynman s'en fout, il aborde le compromis entre les deux méthodes, ce qu'on nomme la «théorie cinétique». Celle-ci consiste à supposer qu'il a bien des atomes qui bougent dans notre gaz comme point de départ, en suivre une seule ou un petit paquet et puis généraliser au tout. Le grand intérêt de la théorie cinétique est double : premièrement on voit très clairement et physiquement ce qui se passe au niveau microscopique et comment ceci se répercute au niveau macroscopique : la pression comme petits atomes qui vous tapent dessus, la température comme une mesure de l'agitation de ces machins, la diffusion d'un gaz comme des petites molécules qui se frayent un chemin dans un labyrinthe d'autres molécules. Deuxièmement, celle-ci s'applique dans de nombreux cas et peut expliquer un nombre immense de phénomène. Avec ces deux qualités il aurait été étonnant que Feynman utilise une autre approche. Le problème de tout cela est que la théorie cinétique, c'est faire beaucoup de chose avec les mains et faire souvent quelques hypothèses irréalistes qui sortent de nulles part. Mais bon...

Finalement, la théorie cinétique étant limitée, il fini par aborder dans trois chapitres l'étude de la thermodynamique. Encore une fois Richard fait les sciemment les choses à l'envers pour bien insister sur le raisonnement, et non les résultats. au lieu de poser les lois et déduire les choses, il va raisonner sur les machines thermiques pour ensuite en tirer ces lois ! J'ai toujours trouvé ces raisonnements complexes à appréhender, mais que voulez-vous...

Arrive finalement de nulle part à la toute fin du livre, de la mécanique des ondes, théorie du signal et un peu de mécanique des fluides. Un peu comme si Feynman s'était rendu compte «Putain, bordel, j'ai oublié de parler d'une des choses les plus importantes en physique.», c'est à dire du principe de superposition des théories linéaires !

Vous l'aurez compris, ce livre est environ infiniment de fois plus dense que son prédécesseur. Ainsi il peut être plus abrupt et j'ai personnellement eu du mal à suivre certaines choses, mais il en devient d'un coup infiniment plus riche.

Allez, après ce deuxième pavé, c'est parti pour Electromagnétisme, tome 1, qui comme son nom l'indique traite d'électromagnétisme.

PS : ceux qui ont lu ceci jusqu'à la fin ont le droit à un bisous sur le front.
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le 25 janv. 2015

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