Les langoliers vont dans le jardin du temps

Et c'est parti pour une nouvelle lecture du King après La part des ténèbres qui était plutôt une réussite à mes yeux. Qu'allait il en être de ce recueil de nouvelles ( de deux grosses nouvelles en fait ) ?

Je commence donc avec la nouvelle Les langoliers que je viens de terminer.
Je ne vais pas vous faire l'affront de vous faire le résumer mais si vous ne l'avez pas lu, sachez que ça parle de voyage dans le temps et que le téléfilm est très fidèle à la nouvelle.
Si vous n'avez pas lu la nouvelle, sautez ma critique car je vais spoiler.

Les langoliers

La nouvelle est la plus longue du recueil avec 280 pages dans mon édition ce qui la rapproche plus d'un roman que d'une novella à proprement parler ( on ne doit pas être loin d'un roman comme Christine avec cette longueur ). C'est assez long donc et plutôt rapide à lire.
L'introduction donnée par le King a tendance à rappeler qu'il peut y avoir des erreurs mais que celles ci seraient de son fait ( j'y reviendrais ).
Passé cette introduction on rentre vite dans le cœur du sujet avec 10 personnages projetés à travers une faille temporelle. Presque chaque personnage est présenté en profondeur. J'ai bien dis presque parce qu'en réalité 2 personnages ne le sont pas : Don Gaffney et Rudy Warwick ( sans compter le personnage joker ). On remarquera que ce sont aussi des stéréotypes pas franchement bien pensé. Nick remportant la palme du stéréotype de James Bond mais passons.
Le scénario donc les lance rapidement dans le cœur du problème avec un monde différent où tout semble arrêté et sans force. Si la lecture de la nouvelle est agréable, il n'en apparaît pas moins que les incursions de Robert sous forme de détective agacent rapidement d'autant qu'elles coupent le rythme. C'est à un point que lorsqu'ils arrêtent Craig dans l'aéroport la première fois, il reprends son explication comme si de rien n'était ( mais avec Craig attaché au sol qui fait des commentaires ).
Je pense que les explications qui courent tout le long du récit sont également son point faible.

On découvre en tout cas une aberration : les langoliers. Pour faire simple, selon l'auteur ce serait les régulateurs du temps qui font en sorte que rien ne sorte du présent. Si le concept est séduisant il se heurte à une réalité des plus terre à terre : lorsque les langoliers dévorent, la Terre s'enfonce dans le néant ... Pourquoi les lois de la physique sont tout de même respectées ? Pourquoi les langoliers ne dévorent pas également le ciel, le soleil, les étoiles ? On se rends rapidement compte que cette théorie même si elle est amusante ne présente pas un seul instant un aspect véridique. Habituellement dans les parties fantastique de ses récits l'auteur tentait d'y mettre un peu de vérité pour que ça passe bien. Hors là ce n'est pas le cas et c'est d'autant plus dommageable qu'une partie de la nouvelle est consacrée à l'enquête pour placer le phénomène dans le champ des probabilités. Je pense que c'est pour cela que l'auteur a écrit une introduction ramenant la faute sur lui mais je peux me tromper.

Toujours est il que les personnages agissent pour la plupart suivant les cadres de leur stéréotype. Mis à part Albert qui montrera plus de courage que tout les autres réunis ( mais il ne boit que du coca, c'est un ado ... ), aucun ne sortira de son rôle. Pire encore, Bethany se verra limité à un rôle de droguée ado mal dans sa peau tellement faux que j'en suis arrivé à me demander si je lisais bien un écrit de Stephen King ( et je passe sur la scène de romance à la fin qui m'a semblé complètement loupée ). Dans cette mélasse on a tout de même Craig qui surnage avec un bon personnage psychopathe. Dinah aurait pu être un personnage intéressant si son pouvoir était mieux exploité voir expliqué mais en l'absence de début d'explication on se retrouve avec une sorte de Deus Ex Machina pas forcément très fin.
Comme je le disais 2 personnages ne sont pas exploités. Don Gaffney d'abord meurt et disparaît de l'histoire ( à priori il ne manque pas à grand monde par la suite ). On ne sait pas grand chose de lui avant cela. Rudy Warwick lui ne meurt pas mais passe pour le crétin de service et entraîne la mort de Dinah et Don ... A la fin il survie mais n'est pas cité, ce qui donne l'impression que le groupe de 6 n'est en réalité que 5.
Le personnage qui m'a le plus étonné dans l'histoire est l'homme à la barbe noire. De tout les King que j'ai lu jusque là je n'ai jamais eu cette impression d'être face à un personnage à l'explication plus profonde. On retrouve ainsi ce personnage qui dort littéralement tout le long de l'histoire et ne se réveille que vers la fin pour se demander s'il ne fait pas une crise de délirium tremens. Il se rendort d'ailleurs aussi sec. Sa répartie sur les bébêtes m'a étonné au possible. Si je devais élaborer une théorie capillotractée je dirais que la nouvelle n'est en fait qu'un rêve de cet homme et donc que seul lui existe réellement dans l'histoire ... Je me suis demandé à un moment si l'auteur ne faisait pas référence à autre chose ( son alcoolisme ? ).

Au final la nouvelle se révèle être une bonne idée de SF trahis par des passages mal calibrés et des personnages stéréotypés. J'aime bien le téléfilm aussi je pense que ça remonte un peu l'estime de l'histoire à mes yeux.

7/10

Vue imprenable sur jardin secret

Alors que dire ? La première chose qui saute aux yeux ( et pas qu'un peu ) c'est la similitude avec le roman La part des ténèbres. D'ailleurs l'auteur en parle en préface en expliquant que c'était pour lui un thème important ( on parle ici de la personnalité des écrivains ). Cela ne poserait pas de problème si le roman en question n'était pas LE PRECEDENT !
Imaginez un écrivain qui écrit un roman sur les clowns tueurs puis un autre sur les clowns tueur ... Oui c'est bien cela.
Cela dit la nouvelle est assez courte ( Les langoliers est la plus grosse nouvelle ici ) ce qui fait que sa lecture se fait assez facilement.

Au delà de cet aspect, la nouvelle est de bonne facture. Pendant longtemps je me suis demandé si Mort ne devenait pas fou. Son comportement est trop bizarre pour être normal. Au début ses excentricités peuvent être expliquées mais au fur et à mesure il devient clair que lui même a du mal à se donner une raison d'agir de cette façon. Il faut attendre la fin pour comprendre que le personnage était devenu fou au fur et à mesure ( l'état de la maison est assez parlant du degrés de folie atteint vu qu'il ne voit rien lui même ).

Par contre, j'ai été assez étonné de voir que les personnages morts sont purement et simplement expulsés du récit sans autre forme de procès. Même s'ils ne sont pas centraux, il aurait peut être été un peu plus correct de les traiter comme s'il s'agissait d'humains. A bien des égards la maison qui part en fumée est mieux traitée qu'eux ( ce qui est plutôt étonnant ).

Au final cette nouvelle n'est pas la nouvelle du siècle. Elle semble importante pour l'auteur dans son dénouement comme s'il avait eu besoin de dire quelque chose ( que les choses peuvent mal tourner peut être ).

6/10

Au final cette première partie de Minuit ( la suite c'est Minuit 4 ) s'avère sympathique mais pas extraordinaire. Les langoliers est une bonne nouvelle mais qui aurait pu être améliorée tandis que Vue imprenable sur jardin secret aurait pu sortir un peu plus tard pour éviter la redondance avec le précédent roman.