Moby Dick
7.6
Moby Dick

livre de Herman Melville (1851)

Il est des œuvres que l'on connaît inconsciemment, sans jamais vraiment avoir cherché à les approcher.


Moby Dick, c'est ce genre de monument qui constitue un des innombrables piliers de l'imaginaire collectif. Repris dans un nombre incalculable d’œuvres, l'histoire d'un homme obsédé par la traque d'une créature si fantastique qu'elle ne peut être que d'origine divine excite l'imagination depuis des décennies.


C'est donc également un livre facile à aborder avec de nombreuses préconceptions.


Je m'attendais à lire la traque épique de la Baleine Blanche, à être témoin de la lutte d'Achab, le terrible et grandiose Achab, prêt à damner son âme pour atteindre cet objectif insensé de venir à bout d'une légende des mers.


Et en quelque sorte, c'est ce que j'ai eu.



La tragique et riche histoire du Péquod



A son sommet, Moby Dick, c'est la folie de l'homme prêt à tout sacrifier, à se ruer sciemment vers sa propre ruine pour se rendre maître de la nature.


C'est une œuvre intensément religieuse, qui place l'homme non seulement face à la vacuité du monde, mais aussi face à sa propre vanité et à l'absence de sens que peut avoir sa vie. Les références bibliques à Jonas notamment, le destin et les Parques, mentionnées à de fréquentes reprises, n'en sont qu'autant d'exemples.


C'est l'humanité dans ce qu'elle fait de pire. Celle qui voit du sens et personnalise ce qui n'en a jamais eu et ne pourra jamais en avoir : un animal, aussi fantastique soit-il, qui ne perçoit les hommes que comme autant de fourmis, avec indifférence et un royal mépris.


Et ceux qui la voient en mer ne s'y trompent pas, Moby Dick n'est pas à la portée de l'homme. Il faut être fou pour penser pouvoir l'approcher.


Dans Moby Dick, il n'y a pas vraiment de bien et de mal : il n'y a que deux forces. L'une inexorable et indifférente, qui est, tout simplement. L'autre, dévorée par l'ambition, qui erre avec un seul but : la confrontation.



Un ouvrage qui encaisse le poids des années



Malheureusement, ce dont je viens de vous parler, c'est de Moby Dick à son sommet. Cette quête insensée, n'est l'objet que d'une, peut-être deux centaines de pages sur les quelques 750 que compte l'ouvrage.


Le reste du livre n'est pas inintéressant. Il décortique méticuleusement la vie des chasseurs de baleines nantuckais de l'époque, et foisonne de détails sur l'anatomie du plus colossal des poissons (et oui, à l'époque, c'en est un), la manière de le chasser, et plus généralement sur la vie en mer à bord d'une baleinière. Une authenticité bienvenue, qui vient donner du corps à un récit au déroulement sinon très simple, presque pur.


Mais une authenticité cher payée, qui vient alourdir une histoire qui aurait gagnée (et gagne encore, si j'en crois le nombre de reprises) à être racontée plus sobrement, puisque les digressions d'Ismaël hachent son rythme, d'autant que la plupart des descriptions se perdent en références et figures de styles qui risquent de rebuter plus d'un lecteur de nos jours.


Ce n'est pas un hasard si la lecture à voix haute de Moby Dick dans le comics Bone, par ailleurs livre préféré de son protagoniste, plonge toute personne l'écoutant dans un sommeil profond.


La lecture de Moby Dick, tout comme la traque de la Baleine Blanche, est donc une épreuve de longue haleine. Elle devait déjà l'être à l'époque de sa parution, et elle l'est d'autant plus maintenant, le temps ayant malheureusement fait son œuvre : mesures en pouces et en pieds, racisme ordinaire, références bibliques & antiques, vocabulaire technique et particulièrement riche...


Toutefois, si vous parvenez à passer ce cap, vous serez, comme Achab, récompensé par la vue de la monstrueuse et majestueuse Baleine Blanche, et une œuvre dont la richesse et la pureté résonnent encore aujourd'hui.

Hamsolovski
8
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le 6 avr. 2015

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