Il n’y a pas de destin plus noble pour la philosophique que celui que propose Pierre Tevanian et Jean-Charles Stevens dans ce livre : examiner les mots en usage, montrer comme ils constituent parfois des obstacles à la pensée et à la sensibilité. Nous n’avons pas besoin de réfléchir ni de rien éprouver puisque : « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », c’est comme ça. Après avoir rappelé qu’il s’agit pourtant d’un choix politique, les auteurs s’attardent sur les présupposés et les conséquences, les représentations impliquées par de telles expressions. Ces pages mettent ainsi en lumière la puissance du langage, car une telle phrase prépare in fine des politiques répressives ; sous couvert de bon sens, elle participe à nous rendre insensibles aux vies perdues, aux destins gâchés.
En soixante-dix sept pages nous trouvons ainsi un discours sur l’immigration bien différent de celui que nous entendons habituellement, emprunt de présupposés non-perçus, et d’arguments au moins discutables. Mais nous (re)découvrons aussi pourquoi la philosophie est si précieuse : les mots préparent nos lendemains, nos dispositions affectives et réflexives, nous avons le devoir humain et citoyen de ne pas les utiliser ou les recevoir sans précaution ni examen.