Il y a bientôt 4 ans, alors qu'on célébrait les 70 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'IFOP publiait un sondage portant sur cette question :
« Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l'Allemagne en 1945 ? »


Le résultat était le suivant : 54 % des personnes interrogées affirmaient que c'était les États-Unis, contre seulement 23 % pour l'URSS.
Ceci traduit une contre-vérité historique, puisque tous les historiens de cette période vous diront l'inverse. Pour rappel, près de 90% des pertes militaires allemandes sont le fait de l'Armée rouge.
En mai 1945, la même question était posée au Français : malgré la censure et le fait que c'est les Alliés qui ont libéré le territoire national, les gens étaient bien moins ignorants puisqu'ils plaçaient l'URSS devant à 57 %.


Pourquoi cette piqûre de rappel ? Parce que l'opération Bagration symbolise à elle seule la méconnaissance de la guerre à l'est. Cette opération a été totalement occultée dans la mémoire collective française par le débarquement allié, alors qu'elle est à l'origine de la pire défaite du IIIe Reich de tout le conflit.


En l'espace de 18 jours, du 23 juin au 10 juillet 1944, dans la seule Biélorussie, 28 divisions allemandes du Groupe d'armées Centre ont été détruites à quasiment 100 %. Soit près de 400 000 pertes, sans compter celles liées aux opérations connexes à l'opération Bagration. C'est cinq fois plus que les pertes allemandes en Normandie. De même, les trois premiers jours de l'opération Bagration ont coûté plus d'hommes à la Ostheer que toutes les pertes de l'Afrikakorps.


Jean Lopez divise son livre en trois parties.


Dans la première, il s'arrête longuement sur la genèse de la bataille, qui permet d'expliquer l'éclatante victoire de l'URSS. Tout est passé au crible : la coopération entre les Alliés pour frapper en même temps au printemps 1944, le choix de la Biélorussie, l'état du front, les ordres de bataille, le rôle très limité des partisans, etc...
Tout ceci permet de rendre compte de la supériorité soviétique, écrasante en terme de matériel (canons, chars, avions). La Maskirovka (art russe de la désinformation militaire) va leurrer les Allemands, et en particulier le FHO (service de renseignement de l'armée de terre en URSS), qui se trompe complètement sur les intentions soviétiques. Le haut-commandement allemand pense que l'Armée rouge n'attaquera pas en Biélorussie. Il choisit d'ignorer les commandants des armées du Groupe d'armées Centre, qui détectent la concentration des moyens ennemis et s'en inquiètent de plus en plus.


Ensuite, Jean Lopez s'intéresse aux trois phases de l'opération Bagration proprement dite. Toujours documenté dans ce qu'il avance, il traite de tous les aspects de Bagration : de la destruction de la 4e armée à la crise du haut-commandement allemand, en passant par la bataille de la Bérézina, les actions de Model ou l'amusante opération Bérézino.


Enfin, la dernière partie évoque deux autres opérations liées à Bagration, les opérations Lvov-Sandomir et Kovel-Lublin. En effet, le but ultime de Staline et de ses généraux est d'établir une tête de pont sur la Vistule, à Sandomir (Pologne). Le fleuve est le dernier rempart avant l'Allemagne. L'opération Bagration vise avant tout à siphonner les Groupes d'armées Nord et Groupe d'armées Nord-Ukraine, contraints de perdre des divisions pour venir en aide au Groupe d'armées Centre (frappé de plein fouet par l'offensive soviétique). Ainsi affaiblis, ils sont attaqués en juillet et en août par les autres Fronts de l'Armée rouge.
Jean Lopez montre aussi comment la Whermacht parvient à se redresser et même à remporter quelques succès, face à des Soviétiques épuisés et en manque de ravitaillement. Il évoque également la libération de Maïdanek ou les suites politiques de l'opération Bagration.


Devant Moscou, Stalingrad ou Koursk, Bagration a été la plus grande victoire du conflit germano-soviétique. Rien que pour cela, elle mériterait d'être davantage connue.

Zero70
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste La Seconde Guerre mondiale

Créée

le 3 avr. 2019

Critique lue 277 fois

4 j'aime

Zero70

Écrit par

Critique lue 277 fois

4

D'autres avis sur Opération Bagration : la revanche de Staline

Opération Bagration : la revanche de Staline
YannAln
10

Eté 1944, la Seconde Guerre Mondiale est gagnée par les Soviétiques.

Ouvrage excellent, très complet et détaillé, sur une grande opération, décisive et étrangement très peu connue. Au même moment se déroule l'opération Overland avec le débarquement anglo-saxon en...

le 18 mars 2022

1 j'aime

3

Du même critique

L'Étau de Munich
Zero70
6

« Hitler est un gentleman » (Neville Chamberlain)

Un film qui traite des accords de Munich, c’est quelque chose de vraiment inédit. Le sujet ne doit parler à quasiment personne, et même parmi ceux qui connaissent, cela ne signifie pas qu’ils ont une...

le 25 janv. 2022

22 j'aime