Pas sérieux s’abstenir s’intéresse au courtage matrimonial en France, soit les agences matrimoniales, journaux et revues qui ont pour objectif affiché de jouer les intermédiaires entre individus (hétérosexuels) afin qu’ils trouvent la bonne personne… et se marient avec ! Claire-Lise Gaillard s’intéresse plus particulièrement à la période qui va du début du XIXe au démarrage de la Seconde Guerre mondiale.
En analysant les annonces matrimoniales, les archives de certaines agences ainsi que quelques lettres et photos de personnes qui se sont rencontrées par le biais d’annonces, elle reconstitue le fonctionnement du « marché de la rencontre », marché qui suscite de multiples controverses morales et qui brille par son opacité (discrétion des agences et de leurs clients…). S’il tient bon c’est qu’il répond à certains besoins sociaux : les transformations économiques et sociales connues par la nation française font que certaines familles, bourgeoises comme aristocratiques, ne peuvent plus recourir à leurs seuls réseaux de relations pour trouver la bonne épouse (qui amène une dot et/ou un nom) ou le bon époux (qui fera fructifier le patrimoine, pourvoira aux besoins du foyer).
Le marché de la rencontre possède en effet quelques barrières à l’entrée : tout le monde ne peut y prétendre, même si une certaine démocratisation se fait jour fin XIXe, au bénéfice de certaines fractions des classes populaires et moyennes. Il faut savoir manier les codes pour rédiger comme déchiffrer une petite annonce, respecter les étapes, répondre, savoir entretenir une correspondance…
En outre, l’autrice renseigne tant sur le travail réalisé par les agences matrimoniales (vérifier les informations de leurs clients, rapprocher les familles pour que « l’affaire » soit conclue, se faire payer…) que sur les conseils donnés par les journaux et revues pour éviter quelques mauvaises aventures (arnaques, Landru…). Au fil des pages nous sommes peu à peu socialisés à cet univers où les (jeunes) femmes sont plus souvent l’objet de la transaction que du côté de l’offre ou de la demande. Les « coulisses du mariage » se voient donc dévoilés et l’ouvrage interroge à nouveaux frais la réalité du « mariage d’amour ».