Le Charmeur de serpents

Lire Hegel, c’est tâtonner dans les ténèbres jusqu’à, de temps en temps, voir une lumière et la suivre, comme hypnotisé. Cette lumière, c’est le style de Hegel, c’est cette forme qui nous séduit et nous fait oublier que nous sommes plongés dans l’obscurité la plus totale.

Son verbiage fait de concepts profonds ainsi que ses longs raisonnements mystiques sont les notes et la mélodie du charmeur de serpents et nous sommes, nous lecteurs, ces serpents.

D’ailleurs, comment cette Phénoménologie de l’Esprit peut avoir une moyenne de 7,9 sur ce site alors qu’il est évident que peu de personnes l’ont lue en entier et qu’encore moins n’y ont compris quoi que ce soit ?

Mais si certains aiment se laisser berner par toute cette phraséologie ultra pompeuse, il est quand même légitime, pour quiconque possédant un esprit de rigueur, de se demander si on a affaire à une vraie dialectique, à un vrai cheminement de la pensée ou à un simple galimatias de charlatan.

Car Hegel est, en plus d’être un philosophe, un séducteur, un gourou. Un séducteur de la forme qui nous empêche de saisir le fond (si fond il y a), un gourou de la philosophie qui la ferait passer pour une secte.

C’est un peu le problème de ces philosophes qui conceptualisent à mort et qui tombent de la pure abstraction vide de sens. Comment donc ne pas être amusé quand on lit « l’effectivité et l’existence de l’homme est son os crânien » où bien « « La nature est l’idée dans son être autre » ? C’est « un verbiage qu’on croirait sorti d’un asile de fous » comme disait Schopenhauer.

En fait, il n’y a aucun moyen d’appréhender la philosophie de Hegel autrement que par la pure interprétation tant l’abstraction dans laquelle elle tombe, ainsi que son absence de raisonnement logique, ne permet en aucun cas au lecteur de saisir une intuition dans sa pensée, un enchaînement de concepts allant de soi.

De plus, Hegel personnifie ses propres concepts, tant et si bien qu’on a parfois l’impression qu’il nous raconte plus une histoire au lieu de nous présenter un réel raisonnement. Il prête des intentions à ses propres concepts : on parle de mise à mort des consciences (dialectique du maitre et de l’esclave), de combat de l’esprit. Il leur donne aussi des facultés : la ruse de la raison ; et des sentiments : la conscience malheureuse, la vanité de l’entendement ; ainsi que des états : conscience endormie… On parle même de royaume de la conscience.

Ainsi ce dépassement des contradictions de la pensée philosophique par la dialectique hégélienne oblige Hegel à avoir recours à des figures de styles (allégorie, personnification, métaphore…) qui font tomber la philosophie dans de la pure mystification.
Chez Hegel, sa philosophie se veut science mais elle ne peut s’empêcher de lorgner du côté de la religion.

Enfin, finissons sur ces bons mots de Nietzsche, toujours digne d’être médités : « Celui qui se sait profond s'efforce d'être clair ; celui qui voudrait sembler profond à la foule s'efforce d'être obscur. »