Quand j’ai fini ce livre ( après avoir sauté moultes pages pour me rendre directement à la fin), j’ai eu envie de le balancer contre le mur. Mais, je me suis ravisée car le livre n’était à moi et que cela l’aurait fragilisé. C’est décidé, je ne croirai plus les critiques dithyrambiques ni la puissance des prix.


Laclos doit se retourner dans sa tombe en voyant ceci » Quand souffle le vent du Nord, le meilleur roman épistolaire de notre époque « . S’il y a bien un livre et le seul d’épistolaire dont je pourrai dire ça, c’est bien les Liaisons dangereuses. Franchement, j’ai parfois l’impression qu’il suffit d’écrire un roman moderne dans un contexte moderne pour recevoir des louanges. Triste société que la notre n’est-ce pas?
e sont pas des lettres mais des échanges d’email d’une richesse inégalable. Voyez par vous-mêmes: » Réponse: Re:Re/Re ; Re:Re:Re ». Bon, j’exagère un peu mais à peu de choses près c’est ça. En fait, suite à une erreur de mail deux personnes commencent à échanger et à tomber » amoureux ». Et là, je pense à la chanson de Calogero, Pomme C qui décortique tout ça comme il faut et ce, en quelques minutes à peine et avec un vocabulaire peut-être simple mais qui fonctionne.


Je ne dis pas que ce genre d’histoires n’arrive pas dans la vraie vie surtout que cela m’est déjà arrivé. Mais, ce n’est pas le côté ultra réaliste de la chose le plus dérangeant. Non, moi ce qui me gène c’est la pauvreté de l’échange, cette sensation aussi de huis-clos, ce dialogue permanent comme si au fond les personnages n’existaient que dans ces échanges et nulle part ailleurs. Et puis, il y a aussi le côté immédiat, ultra connecté, ininterrompu qui me dérange. Il n’y a pas de différé, pas d’attente et surtout, pas de plaisir d’attendre.


En fait, en dehors de leurs emails passionnés on en sait peu sur eux. Quand l’écran s’éteint: que ressentent-ils? Que se passe-t-il?….la vraie vie quoi. Il n’y aucun sursaut de conscience, tout n’est que dans l’instant: rapide, efficace, faussé aussi. Il n’y aucune attente entre leurs mails; c’est à se demander ce qu’ils font de leurs journées. Peut-être qu’un narrateur externe, omniscient aurait tout fait toute la différence.


En outre, les personnages sont à claquer à commencer par l’homme. Je l’ai trouvé naïf; elle est un fantasme pour lui, une illusion. Une garantie de ne pas être déçu, de ne pas être brisé comme avec son ex. Mais, l’amour le vrai du moins ne peut rester virtuel toute la vie. A un moment, on doit sauter à l’eau et voir ce qu’il advient. Elle, son personnage est plus intéressant. Que cherche-t-elle? Le frisson sans prendre de risque, renouer avec elle-même ou bien avec son mariage? Elle est beaucoup plus lucide que lui sur les compromis d’un couple. Peut-être désabusée aussi, éteinte.


Puis comme si le duo n’était pas déjà assez boiteux, il a fallu ajouter une troisième personne. Le duo donc est devenu un trio aux péripéties plus ennuyeuses et rocambolesques que jamais. Ce qui fait qu’on y croit jamais et qu’on ne s’attache jamais aux personnages. Et, je ne parle même pas de la fin qui n’en est pas une vraiment d’ailleurs puisque le roman fait l’objet d’un deuxième tome que je ne lirai assurément pas.


Alors oui, ce roman est contemporain dans l’air du temps on dira. Pas de différé comme au temps de Valmont et Merteuil. Aucune attente, aucun recul, tout est dans l’instantané. J’ai lu, il n’y a pas si longtemps, un roman pour adolescent qui se construisait lui aussi par mail: Une bouteille dans la mer de Gaza. J’ai passé un excellent moment en sa compagnie. Pourquoi? Parce que déjà en filigrane de l’histoire, il y avait le conflit israélo-palestinien. Parce qu’outre les mails, la jeune fille et le jeune homme se livraient à nous. Pas forcément de choses qu’ils avaient parlé entre eux et c’était justement ça qui était le plus intéressant: toutes ces choses qui ne sont pas dites; et qui font cruellement défaut ici.


C’était ça qu’il était palpitant de voir que finalement même si Internet brise les frontières réelles et imaginaires, il y a toujours des choses qu’on ne dit pas à l’autre, qu’on n’est pas prêt à faire comme rencontrer l’autre par exemple. Qu’il y a une intimité, un monde à part auquel l’autre ne prend pas part. Car peut-être ou surement, on sait que la vie ce n’est pas sur internet qu’elle se passe!

Missbale974
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le 24 oct. 2015

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